BLOCS MONTES A JOINTS MINCES DE COLLE

" Il y a énormément à faire pour améliorer les conditions de travail et de productivité en ce qui concerne les techniques de murs en maçonnerie, produits de base des artisans et PME. La maçonnerie montée à joints minces de colle répond bien à cette problématique : gain de temps lors de la mise en œuvre; amélioration des conditions de travail; qualité de l’ouvrage... " déclare Michel Chatry, ancien Conseiller Scientifique au PCA. Traduction de ces avantages pressentis : deux chantiers expérimentaux (24 et 32 logements collectifs à Bétheny et Reims) destinés à évaluer la faisabilité technico-économique de cette technique de construction, à la fois pour les produits en béton et les produits en terre cuite.

Deux pavillons pour former les équipes de pose

La première phase de l’expérimentation a consisté à monter deux pavillons à l’identique, le premier de manière traditionnelle et le second avec des joints minces de mortier-colle. But : initier les équipes au montage des maçonneries à joints minces; valider le système; mettre en évidence ses éventuels problèmes techniques et évaluer ses performances par rapport au pavillon construit en traditionnel. La maçonnerie à joints minces entraine plusieurs changements dans l’approche du travail du maçon : montage selon un plan de calepinage précis; outils de préhension pour porter les blocs ; pelle crantée au lieu de la truelle pour un étalage plus économique et précis du mortier. Cette opération a permis, au niveau du calepinage, de définir des dispositions spécifiques aux joints minces : tolérances dimensionnelles des blocs de + ou - 1,5 mm; non remplissage des joints verticaux et utilisation de blocs spéciaux pour les angles, les tableaux et les linteaux. Premier point : la pose collée est avantageuse pour la réalisation sur des longueurs de murs supérieures à 1,50 m. Par ailleurs, un comparatif sur l’aspect des murs bruts et sur l’homogénéité de support d’enduit révèle un meilleur résultat pour la technique à joints minces. Autre point : la stabilité des murs est obtenue très tôt en cours de montage du fait de la prise rapide du mortier-colle. Enfin, les compagnons se sont adaptés sans difficulté majeure à cette nouvelle technique.

Bétheny : des blocs creux en béton

Outre un calepinage précis au niveau de la conception des murs, les objectifs principaux de cette seconde expérimentation se concentraient sur l’adaptation des outils de production pour sortir des blocs bien calibrés et la définition d’un outillage adapté aux besoins du chantier (malaxeurs à colle; pelles à positionner la colle sur le mur). Les attendus se sont confirmés pour l’essentiel : précision à la pose, cadences plus élevées, chantier propre et amélioration des performances mécaniques en compression et en flexion ont été au rendez-vous. Quelques difficultés cependant : les blocs n’ont pas été palettisés avec le voile de pose en haut, entraînant des manipulations supplémentaires. Par ailleurs, la formulation du mortier n’est pas encore adaptée à toutes les conditions climatiques. Enfin, l’outil de préhension spécifique mis au point afin de saisir les blocs n’a pas connu un grand succès : ce sont essentiellement les jeunes maçons qui l’ont utilisé. Une confirmation : la pose du doublage intérieur est simplifiée du fait de la planéité de la surface, sans relief de joints. Idem pour l’enduit extérieur.

Reims : des blocs en terre cuite auto-isolants

Une particularité sur cette opération: des blocs en terre cuite porosés qui présentent l’avantage d’une forte inertie thermique par introduction de billes de polystyrène dans l’argile. Conséquence : le doublage d’isolation intérieure est supprimé, d’où un gain de temps, de matériau et de qualité. Rectifié après cuisson de façon à obtenir des faces de pose parallèles, le bloc a une précision dimensionnelle sur sa hauteur de l’ordre de +/- 0,25 mm. Pour des questions d’ergonomie de pose (blocs d’un poids de 17,5 kg au lieu de ceux de 13 kg utilisés en phase pré-expérimentation), le montage à la trempe initialement prévu a été abandonné au profit d’un montage au rouleau. Ainsi, une nouvelle formulation de mortier-colle a dû être définie. Comme pour les précédentes opérations, le point crucial de mise en œuvre réside dans l’obtention d’une assise du premier rang parfaite, la faible épaisseur des joints, inférieure à 2 mm, n’autorisant pas un rattrapage comme en maçonnerie traditionnelle : un outil, le " justierboy ", composé de deux platines dont la hauteur est réglée à l’aide d’un laser, a permis, de ce point de vue, d’aboutir à un excellent résultat. Sur ce chantier, les murs ont été montés sans plan de calepinage en raison de la facilité de découpe des produits en terre cuite. Cependant, malgré la porosité des tessons de terre cuite, l’usure des lames de scie reste importante (1 lame pour 500 m2 environ).

Des résultats encourageants

Première confirmation : le gain de temps à la pose s’avère être de l’ordre de 15 à 20% par rapport à un montage traditionnel. Ce gain s’accentue encore pour la réalisation des pignons, difficilement accessibles, pour lesquels une quantité sept fois moindre de mortier-colle est nécessaire en maçonnerie à joints minces! A noter que la mise à disposition de blocs d’angle a fait défaut à Bétheny : une modification du moule à blocs par l’industriel devrait résoudre cette difficulté. Un élargissement de la gamme des blocs, pour une réalisation plus aisée des points singuliers, serait par ailleurs nécessaire. Autre point : une formulation de mortier-colle, correspondant à une plage de température plus large, reste à définir. Dernier point : à Reims, la pose au rouleau a conduit à des temps de mise en œuvre compris entre 35 et 45 min/m2 avec une consommation de colle de l’ordre de 3,3 kg/m2.

Michel Chatry a fixé dans son article les perspectives de développement, et les conditions du succès pour l’avenir. Mais d’ores et déjà, les potentialités de la maçonnerie à joints minces sont évidentes...