UN NOUVEAU REGARD SUR LA PLANIFICATION
Lun des " Projets Concertés dActions de Recherche et Développement " (PCARD) menés par sept grandes entreprises du bâtiment, est relatif à la logistique de chantier. Cette recherche, qui sera publiée par le PCA courant 1997, sattache en particulier à examiner les méthodes et outils de planification actuellement utilisés, ainsi que les dysfonctionnements qui sy rattachent. Le second uvre constitue le noyau des enjeux liés à la planification. En effet, contrairement au gros uvre dont la planification prévisionnelle est très détaillée, celle du second uvre, trop globale, trop approximative, manque defficacité. Traduction dans le planning : une barre par lot ou par corps détat pour lensemble du chantier; chaque bâtiment ou cage est saisi avec une précision - au mieux - de lordre dune semaine.
Quelles perspectives à moyen terme? Quels outils faut-il développer ou inventer? Pourquoi? Cet article est issu des réflexions initiées dans ce sens par le groupe de recherche (René Colas; Michel Bardou; Robert Aiello; Olivier Roland; Christophe Gobin; Yves Laburthe; Jean-Claude Labarre).
VERS UNE MICRO-PLANIFICATION FLEXIBLE
On le sait, à lheure actuelle la planification du second uvre est essentiellement destinée à optimiser les enchaînements principaux entre entreprises et au suivi de lavancement du chantier. Rarement calée sur la réalité opérationnelle, elle néglige des données pourtant déterminantes pour le chantier. Ainsi, les tâches amont, telles les études préalables, les commandes soumises à livraison, le choix déchantillons..., sont rarement ou partiellement traduits dans le planning tous corps détat. De même, lorganisation des ressources partagées nest encore que très marginalement planifiée. Pouvoir disposer de la grue ou dune aire de déchargement relève encore " du parcours du combattant " pour lentreprise de second uvre : les négociations de dernière minute avec le pilote de chantier, sur la base dune discussion informelle, constituent le quotidien. Autre constat : cest à deux mois de sa réalisation que chaque tâche doit faire lobjet dune fragmentation en une dizaine de sous-tâches. Celles-ci, au fur et à mesure de lavancement du chantier, sont calées en réunion de chantier à la journée près, environ deux semaines avant le début effectif de leur exécution. Mais pas de planning détaillé, ni même daffinage du planning " grosse maille " tous corps détat qui les prennent en compte! A linverse, la démarche logistique impose de planifier très précisément, avec un découpage des interventions détaillé, formalisé, tel quon peut y corréler une organisation rationnelle des moyens.
Une planification à trois niveaux de précision
Dans lobjectif dune démarche logistique cohérente, la recherche met en avant la nécessité dintégrer progressivement les sous-tâches dans un planning à trois niveaux, afin daboutir à une planification prévisionnelle à léchelle de la journée. Méthode : à partir du planning général, qui constitue la référence, on déduit des plannings à deux mois de lexécution qui ont pour objectif détablir une prévision des tâches à une semaine près. Prévoyant des aléas, ils sont recalés régulièrement et permettent de comparer lavancement réel avec le planning contractuel. De ce second niveau, il devrait être possible de définir des plannings à deux semaines de lexécution capables de modéliser les tâches à léchelle de la journée. " Mis à jour en temps réel, jusquà trois jours de lexécution des tâches concernées, ces plannings ne sont plus recalés au-delà de cette limite " précise le groupe de travail. Conséquence : tous les intervenants connaissent parfaitement le programme 72 heures à lavance.
Enfin, un outil dordonnancement journalier, qui aura pour fonction de rendre effective lutilisation des moyens de manutention, de la grue..., sera nécessaire. Établissant une prévision de laffectation des moyens disponibles trois jours à lavance, il est recalable jusquau moment de lexécution.
Hiérarchiser puis affiner progressivement
Les contraintes induites par cette planification exigeront des outils informatiques puissants : intégrer les tâches amont et découper très finement les interventions conduit en effet à identifier un nombre considérable de tâches élémentaires. Ainsi, on peut imaginer des plannings de lordre de 4000 tâches! Il faudra par conséquent hiérarchiser les événements de manière de plus en plus fine à lapproche des échéances, cest à dire pratiquement lors du passage dun niveau de précision à un autre, comme sous leffet dun zoom. Cela passe aussi par lélaboration de systèmes dinformations ultra-rapides entre les acteurs.
En parallèle, la micro-planification soulève dautres questions : quel acteur va gérer et organiser cette multitude de tâches? Et quelles sont les marges de manuvre dont il disposera? Le lissage de lactivité des entreprises de second uvre nest déjà pas facile à assurer à lheure actuelle... " Coincé " entre les impératifs de gestion de son propre chantier et ceux des corps détat qui assurent la gestion de plusieurs chantiers, le pilote doit " composer " tant bien que mal pour planifier les interventions. Quen sera-t-il avec un nombre de tâches décuplé? Lentreprise générale, si elle assume ce rôle, devra-t-elle entrer dans le détail des modes opératoires des corps détat ou gérer des " moments de passage obligés ", le corps détat ayant alors la responsabilité de la décomposition fine et des tâches amont (déclenchements des fabrications...)? Quelles méthodes et outils devront être mis en place pour le recueil des données nécessaires aux besoins des entreprises du second uvre ou à la connaissance des flux?
Autre problème : la chaîne dacteurs concourant à la prévision et à la réalisation des approvisionnements est complexe. Lanticipation des approvisionnements, à partir des différents niveaux du planning, imposera des outils de planification multi-accès et interactifs, soit pour consultation, soit pour action. Au sein de cette micro-planification, loptimisation des moyens de manutention communs devient alors incontournable. Doù le développement dun outil informatique dordonnancement journalier capable de traiter la répartition des moyens existants de manière extrêmement fine. Comme le souligne la recherche, " cet outil, qui est réactualisé en temps réel en fonction des flux physiques effectués, suppose létablissement dune passerelle entre flux physiques et flux dinformations afin dassurer le maximum de flexibilité et de réactivité à la planification ".