UNE PLANIFICATION INTERACTIVE

A Chassieu, près de Lyon, un chantier de 60 logements collectifs PLA en corps d’état séparés a servi de support à une REX portant sur l’utilisation d’un logiciel informatique de planification. Au-delà du développement de l’outil informatique, il s’agissait surtout de tenter d’exploiter le logiciel comme un instrument efficace pour la gestion des flux d’informations afin de faire progresser les méthodes de planification. Autre objectif : vérifier les implications de cet outil sur la gestion du chantier par l’OPC, notamment en terme d’anticipation des problèmes.

Caractéristiques

Développé en collaboration avec le BETREC (Bernard Roussin), OPC du chantier, le logiciel DC+ (Doucet Conseil) permet de planifier suivant un système de tâches à rebours (voir interview B. Roussin). Il présente trois caractéristiques particulières. La première, l’architecture du planning étendue à la phase étude, correspond à plusieurs nécessités : amener l’entreprise de gros œuvre à tenir les délais de livraison d’arases, des appuis de fenêtres ou autres parties d’ouvrage pour permettre aux entreprises de second œuvre d’intervenir aux dates prévues; prendre en compte les disponibilités de matériaux et équipements externes aux équipes de second œuvre. Il ne suffit plus en effet de dimensionner les équipes ou de régler les cadences pour tenir les délais; entre les façonniers (plombier, électricien...), qui conservent une logique de confection in situ les obligeant à maintenir en permanence du personnel sur le chantier et les poseurs (menuisiers PVC, plaquistes), qui interviennent sur des délais très courts pour mettre en œuvre les produits fabriqués en usine, l’OPC doit allier les contraintes du planning " chantier " et les plannings des fournisseurs par intégration des phases de production externe. Seconde caractéristique : la communication par le fax avec mise en mémoire des messages chantier sur une banque de données associée au planning. Si, lors de la phase étude, le logiciel permet de mémoriser les décisions résultant des arbitrages entre l’OPC et les différents acteurs du chantier, il offre en outre la possibilité de les restituer sous forme de messages pré-enregistrés permettant le rappel de déclenchement des commandes des entreprises vers les fournisseurs grâce à un logiciel d’envoi de fax. Troisième caractéristique : la mise en mémoire des compte-rendus de chantier dans la base de données. Ainsi, après chaque réunion, un fax de compte-rendu est envoyé à chaque intervenant afin qu’il puisse tenir compte des modifications apportées au planning. A cet effet, un simulateur permet au pilote, durant la réunion de chantier, de hiérarchiser les modifications et de ne faxer aux entreprises que celles impliquant un allongement du délai global du chantier. Second avantage : il permet à l’OPC de négocier en vérifiant les répercussions des choix sur l’intervention des entreprises.

Un rôle accru de l’OPC

En phase de préparation, le pilote est entré très loin dans le détail des tâches et a ainsi permis de définir des interfaces techniques et organisationnelles très fines. Le lot gros œuvre a bénéficié à plein de ce " régime " : après le calage général dans le respect du planning enveloppe de l’OPC afin de ne pas pénaliser les entreprises de second œuvre, la seconde phase de la préparation a en effet permis d’obtenir des gains organisationnels de production sur le gros œuvre qui ont contribué à améliorer le déroulement du chantier. Ainsi, la préparation des interfaces avec les autres lots, les temps d’approvisionnement, l’utilisation de la grue pour les corps d’état et la gestion des ressources en hommes et en matériel étaient prévus dès ce stade. L’OPC n’a pas planifié les interventions des corps d’état dits de " poseurs " de manière rigide, mais leur a laissé organiser leur intervention de manière plus ponctuelle, en fonction de leurs contraintes de gestion interne. En revanche, ces entreprises se sont engagées à structurer très fortement leur intervention, à la fois dans la gestion de leurs approvisionnements et de leurs effectifs. Dans cette configuration, les entreprises doivent se fier au pilote qui assure une gestion en flux très tendus du chantier. Ce mode de fonctionnement induit un mode de communication régulier et aisé avec les entreprises. Ainsi, les envois de fax complémentaires aux informations transmises lors de la réunion de chantier sont très utiles en ce sens : ils annoncent l’ordre du jour de la réunion à venir et, ainsi, permettent aux entreprises d’anticiper des questions ou d’ébaucher des solutions.

Vers plus de transparence

Si le planning a permis de détailler finement les tâches, il s’est cependant avéré qu’il était inutile d’aller trop loin dans ce sens. Ainsi, pour certaines tâches, le planning prévoyait des interventions sur une journée qui ont été superflues : il aurait été plus efficace de les regrouper sur un délai plus long en laissant plus de liberté aux compagnons dans leur ordonnancement. Autre difficulté : le planning informatisé étant trop volumineux, il n’a pas été possible de fournir un planning synthétique aux acteurs. Conséquence : les entreprises ont eu tendance à se référer de manière systématique à l’OPC pour obtenir des informations, en particulier pour la vision de leur activité à moyen terme. Le rappel par fax des tâches à exécuter s’est révélé important dans ce sens, même si les conducteurs de travaux des entreprises demandent une validation systématique des informations en réunion de chantier à la fois pour vérifier les détails techniques avec l’architecte et pour faire figurer sur le compte-rendu contractuel du chantier les informations de l’OPC. Certains corps d’état se sont par ailleurs plaint de la trop grande importance de la communication " papier " à laquelle ils ne sont pas habitués. Une réponse à ces problèmes pourrait se traduire dans le futur par des fax correspondant à des zoom du planning Gantt afin d’obtenir une meilleure transparence des interventions et permettre aux conducteurs de travaux des entreprises d’être moins dépendants de l’OPC vis-à-vis des informations.

Le plus grand acquis de l’opération de Chassieu est d’avoir effectivement démontré que le logiciel était bien adapté à une vision souple et interactive de la planification... qui est elle à mettre au crédit de l’OPC.