ENTRETIEN AVEC J.-L. LOCATELLI

CHANTIERS 2000 : En tant que conducteur de travaux, était-ce la première fois que vous travailliez sur ce type de système constructif avec une préparation de chantier aussi poussée?

JL Lucatelli: Oui. Par contre, j'avais déjà l'habitude de travailler sur des préparations de chantier en gestion de la qualité. C'est une manière de faire que j'aime bien car elle permet d'être clair dès le début, d'arrêter les détails et, en tant qu'entreprise pilote, de centraliser les informations qui doivent être diffusés à d'autres intervenants. C'est une tâche lourde mais qui permet d'organiser la préparation de manière efficace et de soulager les sous-traitants.

L'expérimentation a mis en avant la nécessité d'une logistique qui ne soit pas prédéfinie mais adaptée à chaque séquence du chantier.

JLL: C'est exact. Dans un premier temps, nous nous étions orientés vers une approche gros œuvre que nous avons été obligés de modifier. En phase chantier, nous avons donc fait évoluer l'installation du site parce que le besoin s'en est vite fait sentir. A titre d'exemple, nous avons fait évacuer la grue, remplacer les recettes initialement prévues par des façades ouvertes, modifier les aires de stockage et agrandir les plates-formes. Cette nouvelle approche s'est avérée beaucoup plus apte à répondre aux besoins des corps d'état secondaires. Il faut souligner que j'ai pu réorganiser le chantier efficacement parce que je disposais des éléments techniques et financiers du projet.

Peut-on parler d'une conduite élargie de travaux?

JLL: Au sens classique du terme, ce n'est plus de la conduite de travaux. C'est moi qui ai négocié financièrement l'opération, à la fois avec le maître d'ouvrage et les entreprises sous-traitantes. J'ai donc pu prendre un certain nombre de dispositions sur chantier qui n'avaient pas été chiffrées lors de l'étude technique, car je n'étais pas assez avancé à ce stade. L'expérimentation a montré qu'il est nécessaire d'avoir un homme qui ait en mains les éléments financiers afin de pouvoir décider des modifications techniques, y compris pour ce qui relève de la logistique. Par ailleurs, nous avions un chef de chantier, pour la phase gros œuvre, que nous avons impliqué dans la phase d'études financières et de montage afin qu'il puisse consulter les fournisseurs. Sur chantier, nous avons également fait appel à un adjoint au conducteur de travaux qui gérait les corps d'état, y compris le gros œuvre. Cet homme de terrain a joué un rôle central dans la mise en place de la logistique et de l'infrastructure du chantier. Par ailleurs, il a consigné le livre de bord, tenu le registre des coûts de non-qualité et celui des temps de main d’œuvre pour la pose des dalles préfabriquées.

L'efficacité de la logistique mise en place a très fortement été influencée par votre présence. A quoi cela tient-il?

JLL: L'efficacité de la logistique est tributaire d'une étroite collaboration entre le conducteur de travaux et le chef de chantier pour deux raisons: le chef de chantier en charge de la logistique de terrain doit faire face à des problèmes quotidiens. De ce fait, il ne dispose pas toujours du recul nécessaire pour recadrer la logistique en permanence. Il est alors débordé par les corps d’état secondaires qui expriment des demandes qui ne sont pas forcément compatibles avec la bonne marche du chantier. D'autre part, il ne dispose pas, à un moment donné, de l'initiative pour pouvoir changer quelque chose. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il n'a pas d'autorisation pour engager des frais. A titre d'exemple, lorsqu'il a fallu agrandir les plates-formes de stockage des charpentes métalliques, il n'a pas pu décider immédiatement de le faire et ça a créé un malaise sur le chantier. Il est bien évident que nous sommes obligés de fixer une limite à l’initiative financière du chef de chantier au-delà de laquelle il est tenu d'alerter sa hiérarchie. Ces deux facteurs font que c'est le conducteur de travaux qui influence très fortement la logistique de chantier.