ENTRETIEN AVEC CLAUDE COQUILLARD

D’après Claude Coquillard, Direction Technique de QUILLE, les difficultés techniques des centrales à béton CENTAURE sont compensées par la disponibilité permanente du béton en " juste à temps ". La mauvaise qualité de parement du béton ECO2 tiendrait quant à elle à des réactions physiques ou chimiques inconnues.

" Les différentes formulations de béton produites par la centrale permettent de préfabriquer presque simultanément des balcons, des prédalles ou des planchers "

CHANTIERS 2000 : CENTAURE I a connu un certain nombre de problèmes techniques. Ont-ils été résolus sur CENTAURE II?

Claude Coquillard: CENTAURE II est une nouvelle génération. La centrale a complètement été repensée. Les silos ne sont plus relevables; nous sommes passés d'un bol de malaxage à un malaxeur à axe vertical; le système de pesée a évolué et l'automate a été intégré à la machine. Sur CENTAURE I, nous avions installé un pressostat qui mesurait l'effort au niveau du bol de malaxage et qui était étalonné de manière à couper l'arrivée d'eau en fonction de la plasticité du béton. Comme nous n'arrivions pas à obtenir une précision suffisante, nous l'avons abandonné au profit d'un automate plus "classique" dont la programmation en eau est déterminée par le centralier, et non plus par la machine. Il faut bien sûr parfaitement connaître la quantité d'eau présente dans le sable et les graviers. Celle des graviers n'est pas mesurable; c'est au centralier de l'apprécier. Il me semble que c'est là un problème inhérent à toutes les sondes hygrométriques installées sur les centrales de chantier.

Les problèmes techniques sur CENTAURE I vous ont amenés à souvent faire appel au BPE.

CC: C'est plutôt lorsque nous avons été amenés à produire de grosses cadences et que la capacité de production de la centrale s'est avérée insuffisante. Nous avons aussi effectivement fait appel au BPE à cause de déficiences techniques, mais pas dans la majorité des cas.

Du point de vue des prix, êtes-vous concurrentiel face au BPE?

CC: Actuellement, le prix s'établit aux environs de 420F/m3. Le prix du BPE est le même pour un béton équivalent.

Une centrale sur le site induit-elle une organisation du chantier différente?

CC: Cela nous permet de produire plus facilement différentes formulations de béton. Ainsi, nous avons pu préfabriquer des balcons, des prédalles, des voiles ou des planchers de manière quasiment simultanée. Nous obtenons une plus grande souplesse et une augmentation des tâches. Si avions fait appel au BPE, nous aurions certainement utilisé la meilleure formulation de béton pour toutes les parties de l'ouvrage, ce qui nous aurait coûté beaucoup plus cher.

Comment faites-vous pour concilier une expérimentation qui pose un certain nombre de problèmes techniques et les délais de réalisation du chantier?

De ce point de vue, n'aurait-il pas été préférable de valider des solutions fiables par une phase préalable au chantier.

CC: Il est exact que les hommes de chantier ont le souci de la rentabilité. Ils se sont effectivement impatientés au départ par rapport aux problèmes rencontrés. Toutefois, nous les avons encouragés à persévérer et ils sont actuellement satisfaits de la centrale. Quant à la validation du matériel par une phase préalable, imaginez ce que coûterait de produire des m3 de béton pour les envoyer par la suite à la décharge! De toute façon, je ne vois pas comment valider ce type de matériel autrement que par la construction d'un immeuble. Par ailleurs, la centrale rassemble divers éléments, tel le malaxeur, qui sont connus et parfaitement maîtrisés.

Alors, c'est leur cohabitation qui ne l'est pas?

CC: Il est vrai que la synchronisation et la fiabilité de l'ensemble ne sont pas toujours faciles à obtenir.

L’évaluation de la REX CENTAURE I conclut que "le prix de revient étant l'élément déterminant dans le choix du système de fabrication du béton, il est clair que le BPE sera plus compétitif que la centrale". Qu'en pensez-vous?

CC: D'abord, la rentabilité économique a été atteinte à Beuzeville. C'est un élément favorable qui nous incite à continuer. D'autre part, c'est un prix de revient qui ne tient pas compte des avantages que présente l'utilisation d'une centrale sur site. Or, ce n'est pas simple à chiffrer. Les hommes de chantier préfèrent pouvoir disposer de leur béton en "juste à temps".

La seconde REX qui porte sur le béton ECO2 n'est pas satisfaisante. Où en êtes-vous actuellement?

CC: Nous avons abandonné l'utilisation des cendres volantes sur la deuxième tranche du chantier. Nous avons recommencé les expérimentations en laboratoire pour lesquelles nous obtenons des résultats à peu près satisfaisants. Il subsiste toujours de légers ressuages qui s'avèrent beaucoup plus importants sur chantier. Est-ce dû à une sensibilité par rapport à la quantité d'eau que l'on maîtrise mieux en laboratoire? Est-ce que les cendres volantes présentent des caractéristiques que nous ne connaissons pas?

Vous aviez pourtant effectué des essais préalables en laboratoire. A ce stade, n'y avait-il pas déjà des traces de ressuage ?

CC: En laboratoire, on ne coule pas du béton dans des banches. Le gros problème se situe au niveau de la mauvaise qualité des parements des voiles et non pas sur la résistance du béton pour laquelle nous obtenons des résultats exceptionnels. Les essais sur les traces de ressuage n'ont été entrepris qu'à la fin de la première tranche. Nous n'avions pas décelé ces problèmes sur les résultats précédents.

Est-ce difficile pour un laboratoire de déceler ce type de problèmes?

CC: Nous faisons surtout effectuer des mesures de densité, de composition, de teneur en air... Il est exact que ça ne fait pas parti des essais normalisés. Nous avons tenté de faire évoluer le produit de manière empirique sans jamais obtenir de résultats satisfaisants. Nous nous sommes même demandés si ce n'était pas dû à la centrale.

Quelle est l'hypothèse la plus probable actuellement?

CC: Est-ce dû à la stabilité ou à la composition même des cendres qui nécessite un excès d'eau au départ? Je ne peux pas vous répondre. Il est possible qu'il se produise des réactions que nous ne connaissons pas.

Avez-vous entrepris des analyses sur la composition des cendres à chaque livraison?

CC: Nous en avons effectué une en phase préalable, au début du chantier et nous allons en entreprendre une autre. Les premières analyses montrent qu'il n'y a pas une grande dispersion dans les compositions. On a trouvé une vingtaine de composants différents, la plupart en quantité infinitésimale.

La mauvaise qualité des parements vous a donc obligé à ragréer?

CC: C'est exact. Les voiles présentaient un mauvais aspect : de ce point de vue, nos objectifs n'ont pas été atteints. Le ragréage coûte cher, ECO2 ne s'est donc pas révélé un béton économique. Par ailleurs, nous avons connu des problèmes de mise en œuvre lors des slumps, le béton restant collé à la benne. Il y a des phénomènes d'adhérence, de prise accélérée que nous ne maîtrisons pas.

L'opération de Gisors ne sera donc pas rentable?

CC: Il est évident que si nous intégrons les coûts de ragréage, nous sommes au-dessus des prix du BPE.