ENTRETIEN AVEC JEAN-MICHEL COLOMBO
"Actuellement, je ne connais pas, quelle que soit la filière, un degré d'évolution organisationnel et logistique aussi important que le nôtre"
CHANTIERS 2000 : La réunion organisée par Acier Construction a permis de se rendre compte que les opinions des différents acteurs divergeaient sur la filière industrielle.
Jean-Michel Colombo: C'est tout à fait partagé. Cela dit, le rôle d'Acier Construction est plutôt d'assurer une continuité et de tirer des opérations initiées un bilan qui permette de progresser. Ce qui se dégage à l'heure actuelle, c'est d'une part la nécessité d'une permanence - actuellement assurée par Acier Construction - pour améliorer le concept et d'autre part un choix d'acteurs précis. Les acteurs les plus intéressés par la filière semblent être certains concepteurs, des entreprises spécialisées ou dans quelques cas, la maîtrise d'ouvrage. Il faut porter notre effort sur l'ingénierie, avec l'appui des industriels puis essayer de convaincre les maîtres d'ouvrage que cette démarche présente un intérêt certain.
Est-ce que le système d'acteurs, et plus particulièrement celui de l'ingénierie, possède les compétences suffisantes pour travailler efficacement dans cette filière?
JMC: Ce n'est que partiellement exact. La technique est relativement connue et, de plus, nous disposons d'une grande somme d'informations techniques qui font que si un maître d'oeuvre décide de travailler dans la filière, il n'aura pas besoin de tout réinventer. En partant d'une famille de solutions, il est tout à fait possible de progresser. Si cela ne suffisait pas, il existe des modules de formation qui permettent de compléter les connaissances, auxquels il faut ajouter l'appui des industriels. Ce sont des facteurs importants. Actuellement, je ne connais pas, pour les autres filières technologiques, un degré d'évolution organisationnel ou logistique aussi important que celui de la filière-acier. Certes, ce n'est pas la même manière de travailler mais comment pourrait-on améliorer les conditions de travail et les performances tout en continuant à travailler de la même façon! En matière de logistique, la livraison de colis identiques qui permettent d'approvisionner à l'étage les quantités requises ne coûtent pas plus chers en études et sont une solution plus intéressante sur le chantier. On peut mettre en oeuvre des principes constructifs différents que ceux employés actuellement pour monter un bâtiment. A titre d'exemple, lorsqu'on n'a pas de mur porteur, on peut commencer à faire les façades par le haut, ce qui permet de mettre hors d'eau et d'approvisionner rapidement. C'est une autre logique d'action rationnelle qui reste encore à exploiter. Du point de vue technologique, la filière acier semble au point et assure une bonne maîtrise des performances que l'on recherche. Ce qu'il faut maintenant, c'est pousser la logique encore plus loin et se diriger vers une ingénierie très forte de type anglo-saxon.
C'est votre opinion: un certain nombre d'acteurs pensent que cette filière n'est pas compétitive!
JMC: Nous avons entrepris des analyses comparatives qui prouveraient que cette filière est compétitive. Qu'il y ait des hésitations du côté des maîtres d'ouvrage, c'est possible et ce sera à nous de leur prouver où est leur intérêt. Les choses sont complexes et se situent aussi au niveau de la législation. A titre d'exemple, on a institué une Nouvelle Réglementation Acoustique qui, à peu de choses près, est la même qu'auparavant. On n'a pas l'a pas adaptée en fonction de performances acoustiques supérieures mais par rapport à des performances moyennes. Cet exemple est symptômatique et inquiétant. Comment va t-on pouvoir résoudre tous les problèmes qui se posent, tant en matière de qualification des hommes, d'organisation du chantier ou de gestion des déchets, si la réglementation prend comme point de référence des technologies " classiques " qui, jusqu'à présent, ont été incapables d'apporter des solutions satifaisantes à ces problèmes. La législation ne considère pas qu'il existe des technologies beaucoup plus performantes et s'adapte aux capacités des systèmes constructifs les plus utilisés. Est-ce ainsi que l'on prépare l'avenir? Faudra t-il que les problèmes deviennent plus aigus pour que la loi oblige les acteurs à travailler différemment?
Comment percevez-vous l'évolution de cette filière? Vers une solution complètement sèche ou une mixité avec le béton?
JMC: La solution la plus probable vers laquelle nous nous dirigeons est celle d'une très forte mixité. Je reste convaincu qu'il peut y avoir au niveau de la construction en général, un axe important de développement du système poteaux-poutres, quelle que soit sa nature. Tout le travail qui a été consenti en matière de logistique de chantier est parfaitement transposable sur cette technique.