REGARDS SUR LE COLLOQUE " INNOVER ENSEMBLE "

" Innover Ensemble ", telle était la proposition principale du colloque organisé à mi-parcours du programme Chantier 2000 qui a réuni durant deux jours 200 représentants des professions du Bâtiment. Démarré en 1994, ce programme de recherche et d’expérimentation s’est constitué sur trois grandes idées-forces.

La première est que l’amélioration des performances de la filière de la construction passe par le chantier, moment de concrétisation des objectifs de coûts, de délais et de qualité et lieu de confrontation de l’intelligence de la conception avec celle de la production.

La deuxième est que l’innovation technique, pour mieux produire des effets, doit être rapprochée d’objectifs bien clarifiés d’amélioration du produit final.

La troisième est qu’un saut organisationnel est nécessaire pour mieux inciter les métiers et professions à concevoir et à réaliser ensemble ou de manière concourante.

Programme de recherche et d’expérimentation, Chantier 2000 s’est attaché à mettre en pratique, à évaluer et valider la portée de ces idées-forces. La première phase s’est traduite par le lancement de 80 opérations expérimentales (REX portant sur environ 3000 logements PLA neufs), accompagnées d’une trentaine de recherches associant des organismes ou laboratoires scientifiques et des professionnels du Bâtiment.

Les principaux enseignements du colloque

En se fondant sur les acquis d’une quarantaine d’expérimentations et recherches déjà réalisées, les équipes de professionnels, témoignant du travail des ateliers thématiques du programme, ont examiné les enjeux, conditions et effets des innovations sur quatre grands axes.

Le progrès social

Le progrès social (conditions de travail, sécurité, qualifications) résultent d’innovations dans l’organisation du travail sur les chantiers.Ainsi, la coordination Sécurité-Santé, comme la préparation des chantiers, ou leur organisation logistique ont été pris comme moyens d’une organisation plus qualifiante des chantiers développant l’initiative et les compétences des compagnons. Le message fort est venu de ce que les maîtres d’ouvrage, a priori un peu éloignés du chantier, ont témoigné de leurs attentes de progrès dans le développement des compétences et dans les conditions de travail. Le fait qu’ils désignent le coordonnateur Sécurité-Santé les implique plus nettement dans un scénario d’innovations sociales.

Le progrès dans les relations entre acteurs

Le refrain de la profession (" le secteur du Bâtiment ne peut pas se moderniser parce qu’éclaté entre multiples professions ne se rencontrant que le temps éphémère et conflictuel d’un chantier ") se trouve bousculé par les progrès réalisés dans l’organisation logistique des chantiers associant concepteurs, entreprises des différents corps d’état et industriels. Le message fort de ce thème est que la mise en œuvre, instrumentée par la logistique, d’une organisation coopératrice entre acteurs, fiabilise les choix du maître d’ouvrage, évite les pertes en ligne du projet et requalifie les interventions des entreprises sur leurs valeurs et services réellement ajoutés.

Le progrès technique

Loin d’être saturées, les pistes de progrès techniques se déploient :

- en perfectionnement de l’existant (matériel, matériaux, modes constructifs) en réponse à la hausse des exigences de qualité et de délais, de performances thermiques ou acoustiques, par exemple,

- en développement de nouveaux systèmes constructifs (la filière " sèche ", notamment) qui renouvellent sensiblement les métiers de l’entreprise générale et des corps d’état et modifient en profondeur les rapports coûts-délais-qualité des opérations.

Comme l’ont souligné les intervenants, l’innovation technique se situe à la croisée des préoccupations de la maîtrise d’ouvrage sur l’évolution de la qualité des logements et la maîtrise des coûts; des souhaits des concepteurs d’optimiser leurs projets à partir d’un portefeuille diversifié de techniques; des pressions que ressentent les entreprises et industriels pour atteindre un meilleur niveau de productivité.

Les choix techniques et l’estimation de leurs effets attendus restent cependant empiriques; le développement volontariste et systématique (c.à.d. avec cahier des charges et évaluation-capitalisation) de techniques perfectibles ou nouvelles ne s’avère possible que sur les réalisations expérimentales; celles-ci cristallisent en une équipe-projet les coopérations entre professions pendant le temps d’une opération mais elles n’assurent pas la pérennité des partenariats ni la continuité des efforts et investissements engagés.

Le progrès dans la réponse à la demande

L’exploration des besoins, des usages et qualités des réalisations, des conditions techniques et économiques de la réussite des projets est nécessaire pour de meilleures réponses aux demandes en logements et bâtiments. La séquence traditionnelle {programme-projet-réalisation} l’autorise faiblement; l’attribution à l’un des acteurs de la filière de l’ensemble des fonctions à assurer est peu pensable ni souhaitable.

C’est sur un schéma de conception partagée ou d’ingénierie concourante que tendent à se redéployer les pratiques professionnelles. Ceci suppose non pas de brouiller les frontières entre métiers, mais bien de renforcer une compétence-projet au sein de la maîtrise d’ouvrage pour que celle-ci soit en mesure d’organiser la concourance des métiers sur les points singuliers de sa demande. C’est la condition de progrès à réaliser simultanément dans l’expression de la commande et dans la manifestation de l’offre.

Les suites du colloque

Il faudra attendre que les ateliers thématiques du programme aient achevé leurs travaux pour avoir une vision complète de leurs recommandations et une assise plus forte à leurs propositions. Mais il est d'ores et déjà certain que les acquis capitalisés au sein des ateliers serviront de base pour préciser les dispositifs de soutien à l’innovation, de pilotage et de capitalisation nécessaires pour que les professions du Bâtiment concourent à l’innovation simultanée du produit et du process.