COORDINATION SANTÉ-SÉCURITÉ : LA NÉCESSITÉ D'UN PRATICIEN DE CHANTIER
Regroupant l'OPCHLM de Vannes, le cabinet d'architecture Ruelland-Heraud et l'entreprise Fily, l'équipe mandataire de la REX de Vannes (50 logements PLA) a travaillé sur l'application des dispositions de la loi du 31 Décembre 1993 relative à la santé-sécurité sur les chantiers. La démarche s'est construite autour deux grandes interrogations : quels moyens pratiques nécessitent les dispositions de la loi? Comment rationaliser la logistique de chantier Tous Corps d'Etat par la prévention? Comme le soulignait Marie-France Gueyffier lors du colloque " Innover ensemble ", " l'équipe a positionné la REX sous un angle fort : montrer que la mise en place de cette réglementation est aussi le moyen pour les entreprises de progresser en qualité et en productivité ".
Détecter les points de co-activité
L'expérimentation s'est appuyée sur l'expérience de l'entreprise Fily qui, au travers d'une démarche qualité, mène depuis 1988 une politique volontariste de prévention des risques sur ses chantiers. Le coordonnateur SPS de l'opération, Yves Allenou, est issu de cette entreprise au sein de laquelle il anime des cercles de qualité, des réunions de prévention et de coordination technique TCE depuis plusieurs années en tant que directeur de travaux. Sa méthode? D'abord entreprendre une lecture approfondie des plans d'architecte et des pièces écrites, et notamment du CCTP, de manière à détecter le maximum de points sensibles liés à la co-activité et aux problèmes d'interfaces. A Vannes, cette lecture a généré, en accord avec l'architecte, quelques modifications sur la conception de l'ouvrage. Par exemple, une rectification du plan-masse a permis de déplacer le bâtiment principal de manière à l'éloigner de la rue auprès de laquelle il devait être construit. " L'implantation initiale imposait une fouille à paroi très verticale avec des risques d'éboulements, donc des restrictions pour la circulation urbaine et des précautions importantes de soutènement et de travaux de sous-sol ", souligne Maurice Amphoux (MAAC), évaluateur de la démarche. Incidences : diminution des risques sur le chantier, diminution des coûts pour le maître d'ouvrage. De même, les risques créés par les conditions d'étaiement de certains balcons ont pu être supprimés par une rectification de leur forme.
Sensibiliser les entreprises
Phase suivante : le Plan Général de Coordination Sécurité Protection de la Santé (PGCSPS), qu'Yves Allenou élabore autour de trois grands principes. Un : l'hygiène et la sécurité sont l'affaire de tous, pas uniquement celle du gros oeuvre. Deux : l'ensemble des entreprises, comme l'ensemble des salariés, doit être associé à la démarche. Trois : la mise en place des protections incombe à l'entreprise qui génère les risque. Ces objectifs trouvent leur formalisation au travers de la norme NFP 03001 qui régit les devoirs de chacun en matière d'installations communes. Deux autres points impératifs aux yeux d'Yves Allenou : les réunions de coordination doivent avoir lieu autant de fois que nécessaire pour traiter l'ensemble des problèmes de co-activité; l'économie du projet doit " borner " les exigences du coordonnateur vis-à-vis des entreprises et de la maîtrise d'ouvre. L'étape suivante s'est traduite par une réunion préalable de sensibilisation afin de mobiliser les représentants des entreprises adjudicataires autour des enjeux de l'opération et de leur exposer les raisons d'une politique de sécurité tant sur les plans humains, financiers, juridiques, commerciaux ou sociaux.
Impulser plutôt qu'imposer
Menées de front avec les réunions de coordination technique, les réunions de préparation ont permis d'étudier les réponses fournies par les entreprises au travers des PPSPS, et notamment d'analyser les risques liés aux situations de co-activité. Sous l'impulsion du coordonnateur, l'électricien et le plombier-chauffagiste ont établi un plan de synthèse des fourreaux et canalisations intégrées aux planchers. But : positionner les incorporations dans l'espace, clarifier les interventions de chacun, et éliminer les points de recouvrement afin de minimiser des interventions ultérieures sur le bâtiment. Les plans de ces réseaux intégrés ont été inclus dans le Dossier d'Intervention Ultérieur sur l'Ouvrage (DUIO) de manière à faciliter l'entretien ultérieur. Autre point : le charpentier et le couvreur ont équipé en commun l'ensemble des façades des deux bâtiments de passerelles de bas de pente, chacun contribuant à hauteur de 50% à la mise à disposition du matériel. Objectif : accroître la sécurité, mais aussi optimiser la productivité en évitant les attentes pour les compagnons. De même, pour les lots menuiseries, ravalement, couverture, les suggestions du coordonnateur ont débouché sur la mise en place d'un échafaudage multidirectionnel adapté au profil architectural du bâtiment. Autre idée : une console-pignon, transformée en passerelle d'approvisionnement, a permis à tous les corps d'état d'approvisionner les matériaux en toute sécurité à l'aide de la grue du gros oeuvre, puis d'un élévateur à bras extensible. Sur la base d'un document élaboré par le coordonnateur, les entreprises ont mené une réflexion visant à anticiper leurs problèmes d'approvisionnement (volumes et poids des matériaux, lieux de déchargement, etc). D'où par exemple une réflexion menée par l'entreprise de menuiseries extérieures de manière à obtenir un colisage de ses produits par logement, et non plus par modèle. A noter que sur cette opération les temps de manutention pour les menuiseries sont tombés de 33 à 20%. Les problèmes d'accès au chantier ont aussi été traités en balisant les chemins par une clôture positionnée en tête de talus et par une chaîne bicolore favorisant les accès aux zones de stockage.
Si la loi n'impose pas un profil " type " de coordonnateur, il ressort des travaux de l'atelier thématique " Qualité, sécurité, conditions de travail " " qu'à l'exemple de Vannes, le coordonnateur, y compris en phase de conception, doit être un praticien du chantier. Outre cette expérience qui l'amène à connaître l'organisation et la conduite de chantier, il doit pouvoir regarder et analyser des situations de travail. Il est un homme de dialogue, capable d'avoir du recul et de l'objectivité pour jouer à plein son rôle de facilitateur. S'il s'intègre dans une équipe, son expertise en phase conception ne doit ni concurrencer, ni se substituer à celle de l'ingénierie et de la maîtrise d'ouvre".