ENTRETIEN AVEC GÉRARD PATTEIN

Gérard Pattein, Directeur Technique à l'OPAC du Rhône, estime qu'au-delà des difficultés qu'éprouvent encore les entreprises à se saisir de la notion d'organisation par pôles, cette dernière doit être pérennisée car elle apporte une vision plus globale et plus lisible du projet.

"L'organisation par pôles s'inscrit parfaitement dans nos objectifs de management de projet"

Pourquoi un maître d'ouvrage, comme l'OPAC du Rhône, s'est lancé dans cette démarche d'organisation par pôles?

Gérard Pattein : Avant d'initier la REX CH.I.C 2000 - qui a été notre première opération à s'inscrire dans une démarche par pôles - nous consultions généralement en corps d'état séparés. Or, à cette époque, les difficultés liées au contexte économique faisaient qu'avec ce mode de consultation, nous subissions de manière quasi-systématique une interruption d'activité sur le chantier d'un ou deux mois, interruption consécutive à la disparition d'une des entreprises. Les autres entreprises étant fortement déstabilisées et la chaîne de production sur le chantier très difficile à réactiver. D'où l'idée de la consultation par groupements qui ne génère pas de rupture de contrat en cas de défaillance de l'une des entreprises (à la charge du groupement de trouver une autre entreprise). Conséquence : nous n'avons pas besoin de procéder à une nouvelle consultation pour suppléer l'entreprise défaillante, ce qui évite de bloquer le chantier. Un second facteur : la pression économique se traduisait également sur les entreprises par une carence de l'encadrement intermédiaire. D'où une forte difficulté à trouver des interlocuteurs sur le chantier. L'entreprise était représentée par son patron qui passait de temps à autre sur le chantier et donnait un avis sans être en prise directe avec le travail de ses compagnons ou, à l'inverse, nous avions comme interlocuteur un compagnon qui ne détenait aucun pouvoir décisionnel. Autre objectif : trouver une alternative à l'entreprise générale. L'OPAC du Rhône est en effet un acteur économique déterminant sur le département, puisqu'il gère 80% du logement social. Il se doit donc de s'engager dans une politique de pérennisation du tissu économique local qui est constitué par des PME.

Plus précisément, en quoi l'organisation par pôles apporte une plus-value par rapport à un chantier en corps d'état séparés?

G.P : Pour nous, maître d'ouvrage, cette démarche s'inscrit parfaitement dans nos objectifs de management de projet. Cela nous apporte une meilleure lisibilité du projet lors de toutes les phases. Dès la mise au point des marchés, le fait de passer de la notion de lot à celle de pôle permet d'avoir une meilleure analyse transversale des problèmes techniques; on évite les oublis ou les redondances, les interfaces sont mieux abordées. Lors de la préparation du chantier, la consigne est de planifier les interventions des entreprises par pôles, d'où une meilleure approche des problèmes d'interfaces organisationnelles.

Les entreprises arrivent-elles à se saisir immédiatement de la notion d'organisation par pôles fonctionnels?

G.P : Je pense qu'elles éprouvent pour la plupart des difficultés à la comprendre car elle nécessite une réflexion plus globale et plus orientée sur le moyen terme. La tendance qui semble d'ailleurs se dessiner est double. D'un côté des PME assez déstructurées, sans moyens d'études, qui vont plutôt s'orienter vers des tâches de pose. De l'autre côté, des entreprises plus structurées, détenant des moyens d'études et un meilleur encadrement, qui vont aller vers des qualifications plus pointues, du type responsable de pôle, et qui vont maîtriser progressivement une fonction du bâtiment soit en production propre, soit par le biais de la sous-traitance. Par notre démarche, nous avons un fort rôle d'incitation.

Cette opération s'est scindée en trois pôles. Est-ce une configuration déterminée par la taille de l'opération?

G.P : Ce n'est pas le critère déterminant, dans la mesure où la plupart de nos opérations sont composées de logements qui présentent de forts invariants techniques que nous maîtrisons correctement. En revanche, l'offre locale, qui présente des disparités d'une opération sur l'autre, est un critère important dans la détermination du nombre de pôles. Pour obtenir suffisamment de réponses aux appels de candidature à des groupements par pôles, nous devons par exemple constituer six pôles en secteur rural. D'autre part, pour l'instant, nous sommes restés avec une présentation de chaque pôle comme regroupement des lots classiques.

Nous sommes par contre confrontés à de plus fortes interrogations pour les opérations de réhabilitation ou des chantiers spécialisés, telles que les résidences pour personnes âgées, qui sont des produits très particuliers et sur lesquels il n'est pas toujours possible de greffer ce type d'organisation. Soit le client ne le désire pas, soit nous avons affaire à des équipes techniques très pointues avec des lots très spécifiques.

La grande difficulté observée sur la REX concerne la désignation et le rôle du chef de pôle.

G.P : Lorsque le chef de pôle est le patron de l'entreprise mandataire, les difficultés sont moindres dans la mesure où celui-ci est investi de fait par les autres entreprises. Par contre, lorsque le responsable du pôle n'est pas le chef de l'entreprise mandataire lui-même mais un collaborateur hiérarchiquement plus éloigné c'est plus problématique, et notamment en matière de pouvoir décisionnel qui implique des engagements financiers. Autre problème : comment le chef de pôle peut-il obtenir la délégation des chefs des entreprises co-traitantes de manière à ce qu'il puisse exercer une autorité sur les salariés de ces entreprises? La solution que nous avons adoptée consiste, lors des réunions entre maître d'ouvrage-chefs de pôles-entreprises mandataires, à consigner les décisions prises dans les compte-rendus de chantier qui sont alors imposées aux co-traitants.

Le maître d'ouvrage doit-il s'impliquer plus fortement dans l'organisation interne des entreprises afin d'aplanir ces difficultés?

G.P : Il faudrait déjà dans un premier temps que les entreprises se saisissent du concept de manière à s'y adapter. En tant que maître d'ouvrage, nous proposons un cadre mais ce n'est ni notre volonté ni notre rôle que d'entrer dans le détail du fonctionnement interne des entreprises, et tout particulièrement en matière d'organisation. Par contre, il me semble que ce cadre doit faciliter l'organisation inter-entreprises au sein de chaque pôle puisqu'il permet une meilleure approche des interfaces techniques entre lots, une meilleure coordination de la SPS, une facilitation de l'organisation logistique et une meilleure planification des interventions de chaque entreprise du pôle. L'approche en pôles fonctionnels, qui joue sur le management de projet, est difficile à mettre en place dans le contexte organisationnel du secteur du bâtiment car elle oblige chacun à se responsabiliser. Il est symptomatique d'observer que, lors de chaque réunion, nous sommes encore amenés à re-situer de façon systématique le rôle et la responsabilité de chaque entreprise sur le chantier!

En quoi l'organisation par pôles apporte une plus-value par rapport à un chantier en corps d'état séparés par exemple?

Gérard Pattein : Avant d'initier la démarche CH.I.C 2000, nous consultions généralement en corps d'état séparés. Or, à cette époque, les difficultés liés au contexte économique faisaient qu'avec ce mode de consultation, nous subissions de manière quasi-systématique une interruption d'activité sur le chantier d'un ou deux mois, interruption consécutive à la disparition d'une des entreprises. Les autres entreprises étant fortement destabilisées et la chaîne de production sur le chantier très difficile à réactiver. D'où l'idée de la consultation par groupements qui ne génère pas de rupture de contrat en cas de disparition de l'une des entreprises (à la charge du groupement de trouver une autre entreprise). Conséquence : nous n'avons pas besoin de procéder à une nouvelle consultation pour suppléer l'entreprise défaillante, ce qui évite de bloquer le chantier. Un second facteur : la pression économique se traduisait également sur les entreprises restantes par une carence de l'encadrement intermédiaire. D'où une forte difficulté à trouver des interlocuteurs sur le chantier. L'entreprise était représentée par son patron qui passait de temps à autre sur le chantier et donnait un avis sans être en prise directe avec le travail de ses compagnons ou, à l'inverse, nous avions comme interlocuteur un compagnon qui ne détenait aucun pouvoir décisionnaire. Autre objectif : trouver une alternative à l'entreprise générale. L'OPAC du Rhône est en effet un acteur économique déterminant sur le département, puisqu'il gère 80% du logement social. Il se doit donc de s'engager dans une politique de pérennisation du tissu économique local qui est constitué par des PME.

Les entreprises arrivent-elles à se saisir de la notion d'organisation par pôles fonctionnels?

G.P : Non. Je pense qu'elles éprouvent pour la plupart des difficultés à la comprendre car elle nécessite une réflexion plus globale et plus orientée sur le moyen terme. La tendance qui semble d'ailleurs se dessiner est double. D'un côté des PME assez déstructurées, sans moyens d'études, qui vont plutôt s'orienter vers des tâches de pose. De l'autre côté, des entreprises plus structurées, détenant des moyens d'études et un meilleur encadrement, qui vont aller vers des qualifications plus pointues, du type responsable de pôle, et qui vont maîtriser progressivement une fonction du bâtiment soit en production propre, soit par le biais de la sous-traitance.

On observe sur cette opération l'utilisation de plans renseignés. Systématisez-vous cette procédure?

G.P : C'est un point que nous n'arrivons pas à pérenniser. Pourquoi? Parce que sur l'opération CH.I.C 2000, nous avons pu désigner les entreprises dès le stade de l'avant-projet, avant le permis de construire. Les entreprises retenues ont donc participé à la mise au point des pièces très en amont. Cela s'est traduit par des plans renseignés par pôle qui synthétisent toutes les remarques, codifications, côtes, ou renvois à des articles du CCTP. L'architecte, qui travaillait en parallèle sur ses plans, a pu intégrer tous ces éléments d'information alors qu'en temps normal il ne tient pas compte des spécifications techniques fournies par les entreprises.

Cette opération s'est scindée en trois pôles (plus l'ascenceur). Est-ce une configuration déterminée par la taille de l'opération?

G.P : Ce n'est pas le critère déterminant, dans la mesure où la plupart de nos opérations sont composées de logements qui présentent de forts invariants techniques en termes de compétences ou d'appréhension du produit et que nous maîtrisons correctement. En revanche, l'offre locale présente des disparités d'une opération sur l'autre et c'est elle qui nous conduit à la détermination du nombre de pôles. Nous sommes par contre confrontés à de plus fortes interrogations pour les opérations de réhabilitation ou des chantiers spécialisés, telles que les résidences pour personnes agées, qui sont des produits très particuliers et sur lesquels il n'est pas toujours possible de greffer ce type d'organisation. Soit le client ne le désire pas, soit nous avons affaire à des équipes techniques très pointues avec des lots très spécifiques.

La grande difficulté observée sur la REX concerne la désignation et le rôle du chef de pôle.

G.P : Effectivement. En matière de délégation de représentation, lorsque le chef de pôle est le patron de l'entreprise mandataire, les difficultés sont moindres dans la mesure où celui-ci est investi de fait par les autres entreprises. Par contre, en matière de pouvoir décisionnel (qui revient au chef de pôle), pouvoir qui implique des engagements financiers, c'est plus problématique, et notamment lorsque le responsable du pôle n'est pas le chef de l'entreprise mandataire lui-même mais un collaborateur hiérarchiquement plus éloigné. Son autorité est alors remise en question par les autres intervenants, les entreprises dissociant de fait le payeur (le chef de l'entreprise mandataire) du décideur (le chef de pôle). A l'extrême, comment-voulez vous qu'un chef de pôle, qui dépend de son mandataire, puisse le censurer auprès du maître d'ouvrage alors que c'est ce même mandataire qui détient les rênes financiers? Autre problème récurrent: comment le chef de pôle peut-il obtenir la délégation des chefs des entreprises co-traitantes de manière à ce qu'il puisse exercer une autorité sur les salariés de ces entreprises? La solution que nous avons adoptée consiste, lors des réunions entre maître d'ouvrage-chefs de pôles-entreprises mandataires, à consigner les décisions prises dans les compte-rendus de chantier qui sont alors imposées aux co-traitants.

Le maître d'ouvrage doit-il s'impliquer plus fortement dans l'organisation interne des entreprises afin d'aplanir ces difficultés?

G.P : Il faudrait déjà dans un premier temps que les entreprises se saisissent du concept de manière à s'y adapter. En tant que maître d'ouvrage, nous proposons un cadre mais ce n'est ni notre volonté ni notre rôle que d'entrer dans le détail du fonctionnement interne des entreprises, et tout particulièrement en matière d'organisation. L'approche en pôles fonctionnels, qui joue sur le management de projet, est difficile à mettre en place dans le contexte organisationnel du secteur du bâtiment car elle oblige chacun à se responsabiliser. Il est symptômatique d'observer que, lors de chaque réunion, nous sommes encore amenés à re-situer de façon systématique le rôle et la responsabilité de chaque entreprise sur le chantier!

Par rapport aux attendus de la mission du chef de pôle (préparation du chantier, gestion des délais, direction des approvisionnements, sécurité...), qu'est-ce qui a été intégré?

G.P : Le planning par pôle et les plans d'exécution. On peut y adjoindre la gestion de la qualité, notamment au travers des pré-réceptions.