OPTIMISER LES FLUX PAR UNE PLANIFICATION INTERACTIVE

Initiatrice de la REX de Chatenoy-le-Royal (22 logements individuels R+1), l'entreprise Houot Constructions produit et met en oeuvre sur chantier un système constructif à base d'éléments modulaires tridimensionnels à structure bois. Le niveau d'équipement des modules permet de limiter les travaux sur chantier aux soubassements, à la pose, à quelques travaux inter-modules (connexion des réseaux, couvre-joints...), à la toiture, et à l'intervention du plaquiste dans les combles. Conséquence : un grand nombre de tâches traditionnellement localisées sur le chantier sont transférées en usine. L'efficacité du processus implique une bonne maîtrise des interfaces entre acteurs de manière à bien gérer les flux d'informations et de matériaux. A partir d'un constat d'amélioration nécessaire de cette maîtrise, l'entreprise Houot se proposait d'optimiser les flux logistiques. Support de la démarche : un outil informatique de planification interactif permettant une gestion des flux en temps réel.

Une association étroite avec les fournisseurs

La démarche s'est appuyée sur un diagnostic complet du processus de production, depuis les décisions de conception jusqu'à la livraison des modules. Le bilan fait apparaître des dysfonctionnements, pour l'essentiel situés aux interfaces (livraison trop tardive des plans par la maîtrise d'ouvre, ruptures d'approvisionnement, retours de produits non-conformes, etc).

Le développement de l'outil informatique (en partenariat avec le CTBA ) s'est opéré sur la base d'une modélisation des tâches élémentaires (1000 pour les 22 maisons), de manière à décomposer très finement les plannings des différents travaux. Un objectif sous-tend ce travail : anticiper les problèmes de production usine en permettant à l'outil de prévoir les implications d'aléas (retards de fournitures, modification de commande, indisponibilité de produits) sur le processus de fabrication. Le logiciel informatique permet en effet, à partir de seuils d'alerte définis avec chaque partenaire, de réajuster les prévisions au fur et à mesure de l'avancement. C'est pourquoi Houot a identifié, avec ses fournisseurs, les produits entrant dans le chemin critique, leur processus de commande, les délais associés.

Les commandes de matériaux sont déclenchées lors de la réalisation des documents d'exécution par les BET. Des procédures systématiques et détaillées ont été mises en place avec les fournisseurs : identification des séquences de travail, dates de commande et de confirmation des livraisons, accusé de réception, validation en interne par rapport à l'avancement de la fabrication avec alertes éventuelles. A noter que l'application informatique trouve un prolongement connexe; elle sert d'outil de visualisation et d'anticipation pour gérer la trésorerie de l'entreprise. Sur des principes similaires à ceux définis pour la gestion de la fabrication, les flux financiers (encaissements, paiement des fournisseurs, etc) ont été modélisés dans le détail (date de l'événement; délai de paiement; délai d'encaissement).

Une gestion du chantier " traditionnelle "

En phase chantier, l'application informatique n'a pas servi d'outil d'anticipation, mais s'est focalisée sur la description des tâches. But : améliorer la communication, d'une part en vérifiant les différentes options d'organisation des équipes; d'autre part en conférant au processus de production une vision plus globale. La restriction du champ d'application de l'outil pourrait trouver une explication dans le caractère instable du chantier, tant dans ses principes, ses moyens ou ses équipes (contrairement à l'usine), qui empêcherait de fiabiliser les données d'entrées dans le logiciel. Une autre explication est que l'objectif d'optimisation des flux par l'entreprise était surtout intéressant en phase de fabrication (75% des travaux), le chantier ne représentant qu'une part très faible de l'opération. C'est d'ailleurs le conducteur de travaux qui, de manière " traditionnelle ", a procédé à des réajustements au coup par coup pour résoudre les problèmes (aléas dus au transport, ou maîtrise de l'intervention du plaquiste par exemple).

Quatre points de conclusion

Un : l'outil informatique apporte la puissance de traitement nécessaire à l'analyse de situations complexes, à l'anticipation, à la réactivité (en phase usine ici); il résulte d'une approche méthodologique rigoureuse de l'entreprise dans l'analyse de son processus de fabrication. Deux : les possibilités de visualisation de l'outil permettent de mieux partager l'information entre les différents services de l'entreprise. Trois : la pérennisation de partenariats avec les fournisseurs est une condition impérative à la fiabilisation des données d'entrée dans le système. Ces trois points contribuent à une meilleure maîtrise d'un projet par Houot (au moins jusqu'à la sortie usine des modules) par une amélioration de la gestion des flux entrants d'informations issus de la maîtrise d'oeuvre, ou de matériaux en provenance des fournisseurs de l'usine.

Quatrième et dernier point : la phase chantier ne s'est pas passée différemment de " l'habitude ". Ainsi, l'expérimentation n'aura pas permis d'ouvrir de perspectives sur les données " chantier " nécessaires à l'outil de planification, ni sur les types de partenariats à instaurer avec les sous-traitants, encore moins sur les répercussions de l'outil informatique en matière de conduite de chantier.

Rappelons pour mémoire que le journal " Chantiers 2000 " n°5 avait consacré un article à la " micro-planification flexible " ; ses contraintes; les interrogations qu'elle suscite. Ces questions restent d'actualité.