UNE ORGANISATION DU CHANTIER PAR PÔLES

But de la REX " CH.I.C 2000 " située à Lyon (47 logements collectifs PLA) et initiée par l'OPAC du Rhône : tester la faisabilité d'une organisation par pôles fonctionnels de lots traditionnellement définis par métiers. Les enjeux pour le maître d'ouvrage? Revitaliser le tissu de PME locales en favorisant une réflexion globale (technique, organisationnelle et économique) par le biais de groupements d'entreprises afin de mieux répondre aux appels d'offres. But : créer une alternative aux entreprises générales, conforter l'offre locale (tournée vers les PME) et pallier aux inconvénients des lots séparés. Ensuite, atténuer les dysfonctionnements sur le chantier dûs au manque d'encadrement dans les entreprises et à l'accroissement de la sous-traitance en cascade. Enfin accroître la productivité du chantier par l'amélioration de son organisation.

Organiser par pôles : quels objectifs?

La réorganisation du chantier par pôles répond à quatre objectifs : limiter les interfaces; favoriser la coordination des intervenants; fédérer les moyens des entreprises afin d'améliorer la qualité des interventions et la sécurité; mieux prendre en compte les contraintes de réalisation lors de la conception. Il s'agit d'entreprendre un travail sur la validation des objectifs et des coûts en incitant les entreprises à se responsabiliser, en matière d'organisation, autour de l'activité du chef de pôle. Il s'agit également de trouver des formes d'organisation plus efficaces, par exemple en incitant les entreprises à développer de nouvelles formes de polyvalence par regroupement de tâches sur le chantier, ou plus simplement des transferts de tâches entre entreprises du pôle. Mais l'atout majeur du pôle est qu'il confère une unité aux solutions techniques et organisationnelles retenues et permet de mieux articuler les phases conception et réalisation.

Une démarche instrumentée

Les lots ont été regroupés en trois pôles (le lot " ascenseurs " est traité de manière indépendante). Pour chaque pôle, la commande est passée à un groupement d'entreprises dont le mandataire est leader du pôle. Au sein de l'entreprise mandataire, un chef de pôle est responsable de l'organisation interne du pôle, de l'optimisation des moyens, et du transfert de responsabilité au pôle suivant : pôle " clos-couvert " animé par l'entreprise de gros oeuvre; " technique " animé par le chauffagiste et " finitions " animé par l'entreprise de peinture. La démarche repose sur des documents contractualisés : le dossier " Exécution-Organisation " qui comprend pour chaque pôle des plans renseignés, les méthodes d'organisation des approvisionnements, un planning synthétique et des pièces écrites, dont un document intitulé " la vie de chantier ". Ce dernier document définit la mission du chef de pôle, l'organisation interne à chaque pôle, l'organisation inter-pôles, les mesures relatives à la sécurité...
La coordination des interventions se fait à un double niveau : par chaque conducteur de pôle à l'intérieur de son pôle (préparation du chantier, gestion des délais, auto-contrôles, direction des approvisionnements...) et par l'ingénierie pour la communication et l'organisation entre les pôles, les modalités de réception et l'élaboration du planning synthétique inter-pôles. Le conducteur du pôle n°1 assure la direction de la gestion des flux d'approvisionnements qui ont fait l'objet d'une charte de " gestion des flux inter-pôles ".

Un rôle encore mal défini

Les réunions de préparation du chantier ont fortement mobilisé les entreprises autour de la maîtrise d'ouvre. L'examen des problèmes d'interfaces entre corps de métiers a fait l'objet d'un soin particulier, sachant que le regroupement par pôle constitue un vecteur particulièrement pertinent à leur anticipation (mise en commun de matériels de sécurité, d'approvisionnements, meilleur ordonnancement des tâches, transferts de tâches). En revanche, dès les premières réunions de suivi en phase chantier, le manque d'implication des chefs de pôles a été mis en évidence. Il s'est traduit par un rappel de la mission du chef de pôle et par la signature d'une convention inter-entreprises s'y rapportant. Selon Nicole Bernard (Ardese), évaluatrice de la démarche, " les chefs d'entreprise n'avaient pas suffisamment expliqué aux chefs de pôle (qu'ils avaient choisi) leur rôle et leur mission, ni défini leurs pouvoirs et leurs responsabilités à l'intérieur du pôle. De même, le rôle du chef de pôle n'a pas été assez explicité aux autres entreprises du pôle ". D'où des confusions entre chef de l'entreprise mandataire du groupement et chef de pôle. Le manque d'explication de la mission a par ailleurs généré des difficultés avec les entreprises co-traitantes. A l'exemple du charpentier qui ne souhaitait pas " que ses ouvriers soient dirigés par quelqu'un d'extérieur ". Ou bien " le chef de pôle ne peut pas rentrer trop à l'intérieur d'une entreprise ".

Mais, Nicole Bernard le souligne, " ce n'est pas dans les points spécifiques et techniques de sa mission générale que le chef de pôle n'a pas atteint son but, mais plutôt dans l'idée de l'émergence d'un nouveau métier. Il n'y a pas eu de réflexion commune aux entreprises sur les critères de sélection des chefs de pôle (qui ont été systématiquement les conducteurs de travaux des entreprises mandataires), ni de réflexion par les chefs de pôles eux-mêmes sur leur propre métier ". Le chef de pôle 2 (technique), qui comprenait des métiers connexes (chauffage, plomberie, VMC, électricité, courants faibles) et une entreprise mandataire (Billon, chauffagiste) qui s'inscrit dans une stratégie de rapprochement avec d'autres métiers, s'est en revanche mieux approprié la mission telle qu'elle avait été définie. Pour lui, "le rôle du chef de pôle va au-delà du conducteur de travaux, dans la mesure où il devra fortement faire évoluer ses connaissances techniques et sa connaissance générale du chantier ".

Et c'est bien la difficulté majeure à laquelle la maîtrise d'ouvrage s'est heurtée sur cette démarche. D'un côté quelques entreprises qui voient au travers de cette organisation la possibilité d'intégrer de nouvelles activités pour pouvoir traiter à terme la totalité d'un pôle ou, au moins, d'assurer la maîtrise technique et organisationnelle du pôle Ces entreprises développent des stratégies à moyen terme et disposent des capacités d'encadrement suffisantes pour assurer le rôle de manager de pôle. De l'autre, des chefs d'entreprise qui n'ont pas vocation à pérenniser une stratégie de groupement, mais restent ancrées dans leur métier de base.