ÉVALUER POUR MIEUX INNOVER : LA BANCHE B96

Fruit de trois années de réflexion et d’études menées par Bouygues Bâtiment, la banche B96 constitue la dernière des opérations du programme Chantier 2000 destinées à l’amélioration des outils de coffrage. Testée sur un chantier situé à Bagnolet (76 logements collectifs), la B96 ne présente pas, contrairement aux expérimentations antérieures (coffrage manuportable pour Dipy, mécanisme hydraulique pour la BH 3000, injection du béton pour la BSBI), d’innovation en rupture avec les coffrages traditionnels. De fait, les (nombreux) apports techniques - dont le plus saillant consiste en un système de roulage permettant d’ouvrir et de fermer le coffrage sans recourir à la grue - ne modifient pas radicalement les habitudes de travail acquises par les compagnons mais, en revanche, facilitent l’organisation du travail des équipes de bancheurs.

Une démarche progressive et concertée

Michel Bardou (Bouygues Habitat) le souligne, " à l’origine, nous n’avions pas l’intention de concevoir une nouvelle banche mais d’entreprendre un série d’observations sur chantier destinées à cerner les gisements de productivité dans le travail des compagnons ". Le travail d’enquête, complété par des chrono-analyses, a permis de cerner les gains potentiels et d’orienter les axes de recherche. En particulier, le travail et l’organisation des verticaux ont été examinés : postures fatiguantes, abouts trop lourds, déplacements fréquents pour chercher des outils, " partage " improductif de la grue avec les horizontaux, déformation des coffrages consécutive à l’augmentation de la pression des bétons, etc.

Seconde phase de la démarche : l’élaboration d’un cahier des charges recensant les points-clefs autour desquels pourrait être conçu un nouvel outil de coffrage. Un premier prototype, la banche B95, a été testé sur site, et soumis à une série de chrono-analyses. A noter l’implication des compagnons qui ont été invités tout au long du processus d’élaboration à formuler leurs remarques, voire à déterminer certaines options techniques, tels les positionnements de barre à mine sur le coffrage. Troisième étape : après mise au point définitive de la banche, un programme de formation technique et organisationnel a été élaboré à destination des compagnons, de manière à intégrer dans leurs habitudes de travail les changements induits par le nouveau coffrage.

Les innovations

Elles sont nombreuses et réalistes : résistance du coffrage à des pressions de 12 tonnes (contre 6 sur des banches-container); système de roulage monté sur un des panneaux et qui, grâce à des cames, permet un basculement de la banche vers l’arrière. Avantage : l’ouverture et la fermeture de la banche s’effectuent facilement, sans faire appel à la grue dans 80% des cas. Autre point : la mise en place des tiges supérieures par enclenchement qui accroît la sécurité; les tiges inférieures de serrage, quant à elle, sont positionnées à 60cm du sol afin d’améliorer les postures de travail. Ou bien encore un système de butée d’abouts en matériaux composites (une seule butée par enclenchement remplace trois rangées de butée), mis en place par un seul compagnon, qui permet de gagner en temps, en pénibilité (poids < 25 kg), en étanchéité et en qualité de parement. Une boîte à outils intégrée et des emplacements destinés à acccrocher ou ranger les tiges, les abouts, roulettes, etc, atténuent les déplacements improductifs. Des rehausses manuportables d’1,20m, qui s’emboitent manuellement dans le haut des banches, permettent de couler des voiles d’une hauteur supérieure à 2,70 mètres. Dernier point : sur les échelles d’accès, des paliers triangulaires escamotables augmentent l’espace de travail au sol du personnel.

120 cycles d’utilisation sans aucun retard

C’est le premier constat tiré du chantier de Bagnolet, d’autant plus intéressant que ce résultat a été obtenu sans heure supplémentaire de travail. En particulier, la phase de fermeture des banches, qui coïncide avec la phase de bétonnage des planchers, gagne en productivité (1/2 heure), la grue n’étant plus sollicitée que par l’équipe des horizontaux. De fait, les résultats de chrono-analyse indiquent des gains de temps de 20% sur l’ensemble des tâches des verticaux. Autre constat : le coffrage permet de réaliser plus de tâches en individuel qu’avec une banche traditionnelle. Cet avantage, couplé à une distribution quotidienne des plans de cycle aux compagnons, permet d’accroître leur autonomie et d’assouplir l’organisation; il contribue également à la réduction des temps morts et des tensions entre équipes. Selon Michel Bardou, " au travers de cet outil, il ne s’agit pas d’augmenter à tout prix les rendements, dans la mesure où la diminution de la taille des opérations n’entraîne pas une minoration des coûts de location de matériel qui sont en grande partie fixes, mais plutôt de dégager du temps de grue pour réduire les aléas afin d’éviter les dérapages dans le planning. De même, nous ne visons pas la suppression totale des temps morts, mais à amener les compagnons à les gérer grâce à une organisation plus fluide du travail ".

Les compagnons se sont rapidement adaptés à cette nouvelle banche et, comme le remarque Michel Chenaf (CSTB), évaluateur de la démarche, " ont adapté l’outil à leurs usages ". Ce résultat tient à une démarche d’innovation qui, à partir d’une analyse " fouillée " de l’existant, s’est construite de manière progressive, a impliqué les compagnons, et a intégré tous les paramètres concourant à la performance du chantier : productivité, qualité du procès, qualité de l’ouvrage, conditions de travail.