LOGISTIQUE ET SEQUENTIEL SUR DEUX CHANTIERS DENTREPRISES ARTISANALES
Au commencement était un maître douvrage (Habitat 29) désirant optimiser sa démarche qualité en létendant au processus dexécution du chantier et en y associant des entreprises de petite taille. Était aussi un architecte (Patrick Pincemaille) cherchant à coupler à la démarche séquentielle une organisation logistique plus rationnelle du chantier. De cette double volonté sont nées les opérations expérimentales de Ploneis et Guengat (10 logements individuels sur chaque site). Objectif : introduire dans le processus séquentiel une " supra-séquence logistique " destinée à couvrir les besoins logistiques des entreprises, sous tutelle dun monitorat logistique rattaché à la maîtrise douvrage.
Une formalisation " payante "
La mise en place de la supra-séquence logistique sest effectuée sur la base dun monitorat piloté par un architecte (Patrick Pincemaille) indépendant de la maîtrise d'uvre. But : assister le maître douvrage lors des études et la réalisation du projet et procéder à lévaluation de la méthode mise en place. Conçue à partir dune enquête réalisée auprès dentreprises, la supra-séquence, quant à elle, regroupe les tâches logistiques répertoriées : gestion des installations de chantier, des moyens de manutentions et de levage, des procédures dapprovisionnement et des outils de communication.
Un premier constat : lors de lappel doffres, les meilleures offres ont dépassé de 25% les estimations. Explication : les entreprises avaient établi leur prix sans tenir compte des coûts logistiques, habituellement non formalisés dans leurs offres. Par ailleurs, la mise en commun de certaines ressources logistiques a été perçue comme une prestation supplémentaire par rapport aux pratiques habituelles. Un second facteur pénalisant : la nouveauté de la démarche séquentielle qui a eu pour effet un chiffrage démesuré de certaines tâches précises (80000 F pour le nettoyage) et des surcoûts liés aux transferts de tâches entre corps détat. Conséquence : un second appel doffres, lui aussi infructueux, a amené léquipe du projet à mettre en place un programme déconomies techniques afin que les offres des entreprises puissent être conformes au CCTP. A cette occasion, le lot logistique a été dévolu à lentreprise de gros uvre (Sebaco).
Déroulement de la démarche
La préparation de chantier sest effectuée sur la base de trois réunions. Elles ont principalement porté sur la mise au point et la validation des neuf séquences et sur lutilisation des moyens de levage et de manutention. Elles ont aussi permis de préparer les documents dexécution et les plans de réservation. Un point saillant : ladhésion des participants pour lintervention unique et la présence dune seule entreprise sur le chantier pour la durée dune séquence. A contrario, "la proposition de mise en place dune organisation logistique générale pour traiter les problèmes de livraison et de manutention, dans le cadre dune organisation séquentielle, dérogeait de manière trop importante aux habitudes des entreprises artisanales concernées " commente Patrick Pincemaille. Conséquence : la mise en commun des moyens de levage et de manutention na pas rencontré ladhésion des entreprises. Idem pour le colisage et les approvisionnements qui nont pas connu dévolutions notables par rapport aux pratiques habituelles, sauf pour lentreprise de fluides qui a bénéficié dun colisage adapté à chaque logement. Deux points positifs à mettre au compte dune réflexion initiée entre lentreprise de gros uvre et les corps détat : le principe de laire de stockage en pied de bâtiment qui sest révélé très efficace, notamment pour les plaques de plâtre et les huisseries et lutilisation systématique des garages, comme locaux de rangements, qui a favorisé les conditions de travail, la protection des matériaux, lévacuation et le nettoyage en fin de séquence. Un point capital : le découpage séquentiel a largement favorisé lidentification des besoins propres à chaque entreprise. Inversement, la logistique a permis doptimiser lintervention des entreprises dans chacune des séquences. Exemples : prévision des futures livraisons lors de la réunion de chantier; livraison de certains matériaux au pied de chaque maison sur une aire de stockage prédéfinie et " protégée ".
Bilan
Le maître douvrage estime positive la démarche, surtout du point de vue de lamélioration de la qualité dexécution du chantier. Un exemple : les réceptions intermédiaires entre séquences ont permis de régler des problèmes avant que leurs conséquences ne se fassent sentir plus tard. Un indicateur : labsence de réserves lors de la réception des ouvrages sur le second chantier de Ploneis. Les ambitions de la supra-séquence logistique ont dû être révisées à la baisse. Selon Patrick Pincemaille, " cela tient au fait que le projet initial na pas suffisamment pris en compte les habitudes des entreprises et lanalyse des flux de matériaux durant les différentes phases du chantier. Celle-ci montre en effet que les caractéristiques (volume, dimensions, masse des palettes, masse unitaire des produits...) éminemment variables selon les phases, rendent erronée une approche trop globale de lorganisation logistique. Cette analyse est corroborée par le groupe PME et Logistique, dont les travaux ont été fortement influencés par ces deux chantiers, qui conclut que " plutôt que de travailler sur une organisation logistique commune, il semble aujourdhui nécessaire didentifier les pratiques habituelles de chacun des corps détat pour les harmoniser entre elles et proposer, sil y a lieu, des compléments. Cela revient aussi à essayer de regrouper des phases de travaux facilitant la cohérence dexécution et un partage des ressources adaptées. Enfin, cela revient à concevoir la préparation de chantier, non plus comme un acte global et unique préliminaire à toute intervention, mais comme un état permanent dajustement mutuel entre corps détat ".