UN COFFRAGE QUI SUPPRIME LA GRUE

" Le jury a apprécié la souplesse d’utilisation, la facilité de manutention et l’économie de ce système de coffrage perdu filtrant qui évite l’utilisation d’un moyen de levage lourd, sur des chantiers petits ou moyens ". Telles étaient, pour l’essentiel, les qualités qui avaient permis à Dipy (filiale de Fougerolle) d’être primé par le jury de l’Attestation d’Innovation. Le principal intérêt que présente l’emploi d’un coffrage intégré léger manuportable, par rapport aux banches métalliques, réside en effet dans les économies d’équipements et de temps pour la manutention. Objectifs de l’opération expérimentale de Courcelles-les-Lens (38 logements individuels) : achever la mise au point technique du procédé Dipy et procéder à son évaluation économique.

Caractéristiques techniques

Facilement transportable, léger (moins de 10 kg/m2) et peu encombrant (largeur standard de 1,20m), Dipy est un système de coffrage perdu permettant de couler des voiles verticaux, y compris courbes ou inclinés, pouvant atteindre six mètres de hauteur. Il se compose de panneaux de coffrage, articulés et dépliables, à base de métal déployé, constitués de parois drainantes assemblées en usine. Selon la société Dipy, " le grillage du coffrage, non étanche, permet au béton de transpirer et lui donne ainsi une meilleure résistance. Plus de problème de rétention d’air et un béton mieux essoré, plus résistant à la compression ". Les grilles de métal déployé sont raidies par des rails verticaux disposés tous les 20 cm. Les coffrages destinés à la réalisation de façades comportent un isolant (laine de roche) permettant d’obtenir une isolation thermique par l’extérieur. Les deux panneaux de grille filtrante s’articulent autour d’épingles de liaison munies d’un joint néoprène. But : éliminer les ponts thermiques et acoustiques qu’engendrerait une continuité métallique au travers de l’isolant. Une feuille de polyane, interposée entre le grillage extérieur et les raidisseurs, stoppe la pénétration de l’enduit projeté sur la face extérieure et assure la continuité de la lame d’air entre enduit et isolant. Tous les types de parement en façade sont possibles (briques à Courcelles), même si, selon Bernard Blache (CSTB), évaluateur de l’opération, " c’est l’enduit projeté sur le grillage extérieur qui constitue la solution de parement extérieur la plus prometteuse ".

L’obtention d’un béton plein

Tel est l’acquis technique le plus significatif de cette expérimentation. Pour Bernard Blache, " le béton coulé dans le coffrage Dipy est bien un béton plein et non un béton caverneux comme pourraient le laisser craindre les fuites de mortier au travers du grillage coffrant. En outre, ses propriétés ne sont pas altérées par les pertes de laitance qui subsistent, même avec un béton de consistance optimale ". A noter que les pertes de laitance ont été fortement atténuées grâce à une meilleure maîtrise de la consistance du béton et des conditions de bétonnage. Des essais réalisés au CSTB ont mis en avant un autre point positif : " la contrainte de rupture des murs est équivalente à celle des murs de référence banchés dans des coffrages rigides classiques ". Cependant, malgré les progrès réalisés lors de la mise en œuvre (consistance optimale du béton, utilisation d’une manchette de coulage freinant la vitesse de chute du béton...), la poussée du béton provoque une expansion du coffrage consécutive à un écartement des raidisseurs verticaux et un bombement de la laine de roche avec, dans certains cas, amorces de déchirures et franchissement de la lame d’air. Selon la société Dipy, la solution passerait par une meilleure maîtrise du bétonnage à la pompe et par l’adjonction d’un kraft sur l’isolant - actuellement à l’étude avec Isover - qui permettrait de réduire a priori de 40% la déformabilité du coffrage. Le traitement des encadrements de baies a lui aussi posé des problèmes et " ce n’est qu’après un avancement significatif du chantier que la solution de fermeture par un mannequin de baie, après découpe - non sans danger - des panneaux du coffrage, a été adoptée ". Un calepinage des coffrages et une découpe des ouvertures en usine devrait permettre d’améliorer ce point. Quelques autres difficultés qui semblent avoir trouvé des solutions : l’insuffisance de rigidité des premiers étayages qui ont été remplacés par un équipement approprié; le " jour " entre les panneaux, dans le sens horizontal, favorisant les pertes de laitance qui a été résolu par un montage de la laine de roche en débord ou l’éclisse du commerce inadaptée pour la jonction entre raidisseurs de panneaux superposés à laquelle on a substitué une éclisse spécifique.

Bilan et perspectives

Tout d’abord un chiffre : l’emploi du coffrage Dipy, pour les voiles de façades, s’avère être 9% moins cher (433,23 Frs/m2) que la banche classique (476,70 Frs/m2) et s’établit à un prix de revient équivalent à une solution en parpaings pleins (433 Frs/m2). Selon Gérard Melchior (CSTB), évaluateur économique de la REX, " cette performance est particulièrement intéressante au plan technologique, dans la mesure où Dipy démontre qu’il peut procurer, en façade, une isolation thermique à de meilleures conditions qu’un doublage intérieur ". Dipy est un produit encore en phase de développement. De nouvelles mises au point, quant aux problèmes de déformation du coffrage, devraient permettre d’optimiser le procédé. En outre, la conception du coffrage facilite aujourd’hui l’incorporation des fluides et la pose des menuiseries extérieures. Fougerolle compte utiliser Dipy sur des applications particulières (coffrage de tête de pieu, mitoyen isolé thermique) afin d’amortir l’appareil de production en usine. L’utilisation de Dipy, en combinaison avec des banches classiques, afin de diminuer la saturation de la grue, est une autre voie possible. Aux dires de la société, l’utilisation du coffrage, sur des chantiers sans grue, reste toujours la finalité. Cela reste encore à démontrer.