LE PCIS CONFIRME SON POTENTIEL

Comme l’avait souligné le numéro trois du journal " Chantiers 2000 ", la REX de Saint-Martin d’Hères constituait un pas décisif pour la validation de la filière sèche dans le logement. Centrée sur l’utilisation du Plancher Composite Interactif Sec (PCIS), la problématique balayait en réalité tout le champ d’une opération de chantier : technique, organisationnel, économique. Convoquer toutes ces dimensions sur une technologie hors de la culture traditionnelle des entreprises relevait d’un pari très ambitieux. Résultat probant même si des optimisations sont à entreprendre.

Matérialiser les études de synthèse

Les choix structurels et d’enveloppe, effectués en parallèle avec la désignation des sous-traitants, ont été les suivants : structure poteaux-poutres en acier, associée au PCIS. L’enveloppe du bâtiment se compose d’une façade légère sur ossature métal avec bardage bois et métal, doublage en laine minérale et plaques de plâtre sur ossature secondaire. La couverture est constituée d’un bac acier. Comme le précise Patrick Martin (Betrec), évaluateur de la démarche, " en phase de préparation, le travail d’études conjoint entre les différents partenaires a permis d’explorer toutes les interfaces traditionnelles : plancher, façades, menuiseries extérieures. Bien organisée, cette préparation a néanmoins été handicapée par le manque d’implication de l’industriel fournisseur des bacs ". Conséquence : le réglage des bacs posera des difficultés lors de leur pose sur le chantier. A noter que la préparation, déterminante sur cette filière, s’est révélée difficile, sinon conflictuelle, entre l’entreprise générale et les sous-traitants en raison des négociations de prix. Autre difficulté : malgré les nombreuses discussions techniques avec le cabinet d’architectes (Dubosc et Landowski), le manque de formalisation des études de synthèse n’a pas permis de fournir des documents utilisables par les entreprises sur le chantier. Ainsi tous les acteurs impliqués dans ce projet (voir interviews) soulignent qu’il est impératif en construction industrielle de produire une synthèse à chaque étape du projet.

L’organisation logistique du chantier a fait l’objet de quatre réunions spécifiques avec les industriels afin d’articuler les contraintes de production en usine et des modes de livraison avec l’organisation du chantier. Un document, élaboré par l’entreprise générale (Spie-Tondella), formalise les choix résultant des réunions préparatoires. Il révèle que l’équipe a poussé la réflexion logistique plus loin qu’en construction traditionnelle, tant sur les moyens de levage, les colisages ou le stockage des matériaux. Cependant, Patrick Martin souligne que " malgré ce travail, il n’y a pas eu de formalisation ferme et finement planifiée de l’ordonnancement et de la logistique avant l’utilisation d’un logiciel pour la planification du second bâtiment. Une réflexion sur les outils de planification est pourtant impérative pour répondre aux enjeux liés à la construction industrielle ".

Maîtriser les écarts dimensionnels et la planification

La pose du Triply sur le bac acier devait s’effectuer suivant un plan de calepinage précis qui s’est avéré en partie inopérant. L’analyse de la pose des bacs montre que toute une série d’aléas techniques en sont la raison : écarts de fabrication des profilés de charpente, mode de fixation sur les rives parallèles aux ondes de bacs, mode d’assemblage des semi-portiques, affaissement des bacs lors du transport ou de la pose. Conséquence : les rives du Triply ont échappé à l’onde sur laquelle elles devaient être fixées du fait des écarts dimensionnels cumulés. Bilan : les découpes en usine se sont paradoxalement révélées handicapantes pour la pose du Triply sur les bacs acier qui s’est effectuée par la suite sans plan de calepinage préalable. A noter que sur le second bâtiment, un resserrement des bacs avant la pose du Triply a permis d’améliorer la planéité du support.

Autre point : la réalisation de l’enveloppe a montré que ce type de construction impose une planification très détaillée et très stricte pour gérer les interfaces entre les sous-traitants. Ainsi, la pose des ossatures secondaires ayant subi un fort retard, les doublages intérieurs ont été effectués préalablement aux bardages alors qu’ils devaient être mis en œuvre au même moment. L’intégration d’un pare-vapeur pour imperméabiliser les doublages à l’air et des "accommodements" dans le mode d’intervention des entreprises de bardage (interventions par plateau au lieu d’une pose verticale) ont permis de gérer cette phase d’interaction correctement. Selon Patrick Martin " les approches de planification traditionnelles issues de la culture béton, sont rapidement défaillantes lorsqu’elle sont transposées sans précautions à une construction industrialisée dans laquelle le retard d’un des partenaires remet en cause une chaîne de production complète ".

L’intervention du plaquiste SEP, prépondérant dans cette filière (20% des travaux), s’est réalisée à partir d’une approche logistique très fine. A raison de deux semi-remorques par livraison, c’est ainsi trente camions qui ont approvisionné le chantier pour ce lot. Les cloisons distributives ont fait l’objet d’un colisage par demi-palette afin de ne pas surcharger les bacs. Destinées à la réalisation de deux logements, les palettes ont été approvisionnées par un pignon laissé ouvert. Les autres produits-plâtres ont été distribués en continu sur les plateaux.

Un bilan prometteur

Premier élément positif : les difficultés rencontrées n’ont pas empêché la tenue des délais. Sept mois seulement ont été nécessaires (12 mois en traditionnel) pour la réalisation globale du chantier. Ainsi, le PCIS a démontré sa souplesse et son adaptabilité et sa facilité de mise en œuvre face aux aléas rencontrés. Confortable à la marche, il présente par ailleurs des exigences conformes à la NRA et au label Qualitel tant en matière d’isolement aux bruits aériens qu’au niveau des bruits de chocs (avec revêtement de sol pour le label Qualitel " confort acoustique "). Les résultats économiques sont difficilement chiffrables, même si un prix de 4300 F HT/M2 est annoncé. Le manque d’organisation qui a perturbé le chantier est pour l’essentiel à mettre au compte de réflexes liés à la construction traditionnelle. De ce point de vue, le second bâtiment, réalisé avec un outil de planification adapté, a permis de gérer plus finement les interfaces entre entreprises. Penser l’innovation technique revient à dire étudier l’organisation de chantier qui la rende efficiente. Cette opération aura plus que jamais mis en évidence ce principe incontournable.

Les interviews suivantes montrent la grande pluralité des points de vue sur cette opération, la filière sèche faisant émerger plus fortement les difficultés que les solutions constructives traditionnelles. En particulier, le rôle et l’évolution de l’entreprise générale sont au centre des débats.