ENTRETIEN AVEC THIERRY BRAUD

Thierry Braud est ingénieur chez SATECO, fabricant du coffrage BH 3000. Il estime qu’un allégement du dispositif hydraulique amènerait autant d’efficacité en terme de productivité et permettrait de diminuer le coût de la banche. Même si l’avenir passe par des banches mixtes, mécaniques et hydrauliques.

" L’interchangeabilité de certains organes de la banche est certainement une solution d’avenir "

CHANTIERS 2000 : L’assistance hydraulique de la BH 3000 concerne toutes les fonctions de base d’une banche. Pourquoi n’avoir pas hiérarchisé ces fonctions afin de vous concentrer sur les plus essentielles, comme le serrage?

Thierry BRAUD : Nous souhaitions concevoir un produit complètement autonome. Nous aurions pu travailler sur des axes plus restreints et plus simples, comme le serrage des tiges, mais nous désirions nous orienter vers un produit ne nécessitant aucune opération manuelle. A posteriori, nous avons effectivement constaté qu’il était inutile d’automatiser certaines fonctions, comme les béquilles. Cette démarche s’inscrivait aussi dans une logique de développement de notre gamme de matériel. Tester toutes les fonctions de base sous assistance hydraulique nous a permis de réappliquer certaines solutions ultérieurement : ainsi nous disposons maintenant d’un nouveau type de banche mécanique dont le portique en M permet une fermeture manuelle sans l’apport de la grue. Un autre constat : les difficultés que nous avons rencontrées sur ce chantier sont essentiellement liées à l’hydraulique elle-même et non aux fonctions propres des vérins. Si ces problèmes sont faciles à résoudre, ils nous ont néanmoins énormément pénalisé sur cette expérimentation. Par exemple, les fuites, les coupures de tuyaux ou un mauvais système de connections ont fait perdre du temps aux compagnons et ont peut-être minimisé leur intérêt par rapport au produit.

Sachant que le surcoût de la banche hydraulique est de 50%, quels sont les arguments qui plaident en faveur de son utilisation?

T.B : Grâce à la motorisation des portiques, la grue n’est plus mobilisée lors des opérations de rapprochement et d’écartement de la banche. Il reste à l’entreprise à déterminer de quelle manière elle envisage de réaffecter les plages de disponibilité de la grue. Mais nous avons constaté sur cette opération que la grue était inactive sur plusieurs périodes qui, cumulées, sont de l’ordre du quart d’heure par jour. A noter aussi que cette motorisation évite aux compagnons de monter sur le platelage pour accrocher les élingues nécessaires à la manutention. Second point : un gain de productivité et une moindre pénibilité lors de l’opération de serrage. Cette fonction essentielle met en action quatre vérins qui permettent le serrage des tiges d’entretoises, en une seule phase, par l’intermédiaire d’une commande automatisée. Conséquence : un gain de temps et de pénibilité par rapport à une banche traditionnelle qui nécessite de monter sur le platelage pour effectuer les serrages en position haute. Enfin, la fermeture des banches s’effectue une à deux heures plus tôt qu’avec un matériel traditionnel. Généralement cette opération, qui s’effectue en fin de journée avant le coulage du béton, est souvent génératrice de stress et d’heures supplémentaires. L’autonomie de la banche vis-à-vis de la grue a permis aux compagnons de toujours être " dans les temps " par rapport à l’arrivée du béton.

Quels sont les points d’amélioration sur cette banche?

T.B : L’optimisation principale concerne les vérins de serrage des tiges qui n’ont pas fonctionné correctement sur cette opération. Lors de la conception, nous avions prévu un vérin horizontal qui se situait dans le même axe que la tige d’entretoise. Et malgré le clapet anti-retour, le maintien du serrage de la banche s’est révélé insuffisant du fait de la pression de huit à dix tonnes exercée sur chaque vérin lors de la poussée. La solution mise au point sur une nouvelle banche consiste en un vérin hydraulique à orientation verticale, la tige s’enfilant toujours à l’horizontal, qui permet par un système de coins de ramener les efforts de pression à quatre ou cinq tonnes. Autre avantage : ce vérin, contrairement à l’opération expérimentale, est standard et ne coûte pas cher. Nous avons par contre supprimé les vérins commandant la motorisation des béquilles pour le réglage de l’aplomb qui ne présentent pas de valeur ajoutée en terme de gain de temps pour le coffreur. Le déplacement du groupe hydraulique sur le chantier a posé des difficultés du fait d’un réservoir d’huile de capacité importante, donc plus lourd. Mais un réservoir d’un litre par exemple aurait induit une autonomie de la banche moindre. Toutefois, l’ergonomie de ce groupe hydraulique reste encore un point sur lequel nous devons travailler.

Une banche hydraulique automatique simplifiée est-elle envisageable?

T.B : Certainement. L'allégement du dispositif d’assistance conduirait à garder les fonctions essentielles, comme le serrage, sans nuire à l’efficacité productive; cela conduirait aussi à en abaisser le coût. Toutefois, la difficulté à laquelle nous sommes confrontés est de trouver un entrepreneur qui teste ce matériel sur le chantier. Nous investissons en phase préalable, mais la nécessité d’un relais, par le biais d’une entreprise structurée, est indispensable. D’abord du point de vue technique, ensuite du point de vue méthodes, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer les répercussions de l’autonomie du matériel sur les cycles de grue et sur l’organisation du chantier qui en découle. Nous sommes très dépendants de l’entreprise dans la diffusion de l’innovation sur le chantier.

Sur quels axes de développement travaillez-vous actuellement?

T.B : De manière plus globale, les axes de développement ne s’inscriront pas dans une banche tout hydraulique, mais plutôt sur une banche mécanique avec des options hydrauliques manuelles. L’interchangeabilité de certains organes de la banche est certainement une solution d’avenir. Le serrage des tiges par une fonction hydraulique manuelle, agissant sur l’ensemble de la banche, constituant la piste de travail la plus prometteuse. De même, les accessoires se situant à la périphérie de la banche et qui influent sur les temps de manutention et de mise en place font l’objet de recherches. Nous avons aussi développé un coffrage courbe dont l’assistance hydraulique permet de modifier instantanément le rayon de courbure.