ENTRETIEN AVEC RICHARD CHAMBAUD
Richard Chambaud est larchitecte de lopération de Portes-les-Valence. Il estime que lintégration de contraintes logistiques dans la conception architecturale sest avérée très positive, même si celles-ci confèrent aux bâtiments un aspect rigide. Il met en avant le rôle de la maîtrise duvre dans la gestion de la logistique, mais aussi la nécessité dengager une réflexion sur les plans et les pièces écrites pour en améliorer lutilisation sur le chantier.
" Larchitecte est le seul à détenir une vision globale des interventions "
CHANTIERS 2000 : Comment avez-vous déterminé les contraintes logistiques liées à la conception architecturale de ce projet?
Richard CHAMBAUD : Jai tout dabord recensé les problèmes rencontrés sur mes derniers chantiers et dégagé ceux liés à ma définition de la logistique, à savoir lapprovisionnement des matériaux, lévacuation des déchets, la direction de lintervention des compagnons sur le chantier et la définition de leurs conditions de travail. A partir de ces quatre points, javais pour objectif dextraire le plus grand nombre de contraintes susceptibles dêtre intégrées à la conception des bâtiments. En premier lieu, jai conçu les trois bâtiments en U afin quils soient desservis par une seule grue. De même, les zones de stockage et dapprovisionnement étaient intégrées à lintérieur du U. Autre point : le rejet des réseaux à lextérieur des bâtiments afin que leur réalisation ne perturbe pas le chantier. Les escaliers desservant les logements en façades ont été rejetés à lextérieur du U et la fermeture de ces cages sest effectuée en fin de chantier à laide déléments légers. Je désirais en effet obtenir des cages éclairées naturellement pendant la durée des travaux, sans avoir à gérer des problèmes dampoules qui disparaissent à tout moment. Le regroupement des loggias de deux logements (fermeture et partition des loggias en fin dopération) favorisait également lapprovisionnement des matériaux et le stockage des déchets, de par leur surface et leur profondeur. Autre avantage : laccès et la circulation étaient aisés dautant plus que javais prévu une circulation horizontale provisoire inter-cage à travers ces loggias afin de faciliter le cheminement des compagnons. Dans le même esprit, la pose de la toiture des loggias avait été différée. Pour les menuiseries extérieures, nous avons recherché la standardisation (dimensions et sens douverture) afin de conditionner par logement plutôt que par type de menuiseries. Pour lapprovisionnement des partitions et des équipements, nous avions prévu au moins une grande ouverture en façade par logement afin de permettre le passage dune palette de doublage ou de cloison.
Les contraintes logistiques ont-elles influé sur la conception architecturale du projet?
R.C : La forme en U a " spolié " quelques logements, notamment dans les angles (vis à vis...). Par ailleurs, larticulation des trois bâtiments ne me semble pas élégante; la forme en U, combinée à la rationalisation des ouvertures, revêt un aspect rigide. Enfin, tous les appartements ne disposent pas de loggias. Cependant, lintégration de contraintes logistiques lors de la conception savère très positive sur plusieurs points. Ainsi les approvisionnements ont été facilités par lorganisation en U des bâtiments, par la taille des loggias ou la partition de la toiture qui permet un décalage aisé de la couverture de la loggia. Autre point : laménagement de circulations horizontales dans les bâtiments qui a permis aux compagnons de travailler plus facilement. Un bémol : les portes de loggias nétant pas munies de poignée extérieure, les circulations ont été perturbées en phase de finition. Par contre, il faudra être dans lavenir plus attentif au tracé des fluides afin den assurer une meilleure mise en oeuvre. Si les extracteurs et les gaines VMC ont fait lobjet dune procédure dapprovisionnement efficace, en revanche leur mise en oeuvre en combles a posé quelques difficultés (découpe de fermettes par exemple). De même, au sous-sol, nous avons rencontré des difficultés pour les réseaux EU/EV et chauffage. La recherche de galerie technique ou le développement de hiérarchisations, telles les espaces servis/espaces servants pourraient être des pistes intéressantes.
Quel bilan faites-vous de cette opérations?
R.C : Tout dabord que le niveau dimplication de larchitecte dans la logistique est déterminant pour assurer une bonne maîtrise de sa gestion. Il est en effet, à mon avis, le seul à détenir une vision globale des interventions. Il constitue aussi linterface technique avec les entreprises, ce qui lamène à jouer un rôle de pivot dans la transmission des informations, mais aussi dans la compréhension du fonctionnement de chacun. Autre point : si le groupement dentreprises a été un facteur important dans la réussite de cette opération (habitude de travailler ensemble, transferts de tâches plus faciles...), il nen demeure pas moins quun chef dorchestre est nécessaire pour coordonner les interventions et remettre en cause les habitudes, ne serait-ce quà cause des prix très " tirés ", générateurs de tensions sur les chantiers. Par ailleurs, certains éléments relatifs à la gestion des approvisionnements (coût de la grue par exemple) ou à lévacuation des déchets pourraient être quantifiés et formalisés dans des pièces écrites, ladjonction dun prix à une tâche permettant de mieux la maîtriser.
Vous êtes aussi attaché à la notion de plans renseignés. Comment se traduit-elle?
R.C : Les plans élaborés par larchitecte sont le fil conducteur de toute opération de construction. Ils sont dabord utilisés par les autres membres de lingénierie qui élaborent des documents spécifiques, puis par les chargés daffaires des entreprises qui remettent un prix, enfin par le conducteur de travaux et les compagnons qui réalisent le chantier. Les pièces écrites (descriptif, quantitatif) présentant un caractère plutôt administratif et contractuel quopérationnel. Ces plans sont généralement mal adaptés aux souhaits des différents utilisateurs. Dune part on observe souvent des pertes dinformation lors du passage dun document à lautre (erreurs de cotes, superposition des prises électriques et de radiateurs, etc.). Dautre part, de nombreuses tâches (calcul des quantités, etc.) sont traduites sous des formes différentes par lensemble des partenaires : les compagnons ne disposent souvent que de documents succincts pour réaliser leur travail.
Lobjectif de plans renseignés est donc de servir de documents de communication à lensemble des partenaires de lopération durant toutes les phases du projet, depuis le maître douvrage jusquau compagnon (étude, chantier, réception, DOE). A cet effet, lidée consiste à rechercher un canevas commun, une ossature que chacun complète au fur et à mesure de lavancement du projet et de son processus délaboration, suivant ses besoins spécifiques. La structure de ce canevas devrait comprendre diverses informations. Tout dabord une base graphique incluant une organisation en plan ou en coupe, les cotations, etc. Ensuite, des éléments sommaires de descriptif comme la nomenclature des menuiseries, le type de doublage, de cloisons, les appareils sanitaires et électriques, etc, repérés sur la base graphique au moyen de couleurs ou de surcharges graphiques par exemple. Il faudrait par ailleurs intégrer des éléments quantitatifs permettant à la fois lélaboration fiable du quantitatif contractuel (en phase étude), la gestion des commandes et des approvisionnements, le contrôle des quantités réellement mises en uvre et la gestion financière des modification apportées au projet (en phase chantier). Autre élément à faire figurer : des éléments de planning (micro-planification inscrite dans le planning contractuel) selon les tâches à réaliser et les tâches induites, comme les approvisionnements ou lévacuation des déchets. Enfin, intégrer des commentaires soulignant des points spécifiques, par exemple sur des précautions de mise en uvre ou des détails de finition.