ENTRETIEN AVEC PASCAL BLONDOT
Pascal BLONDOT est le directeur dexploitation de lUDEC 26/07, mandataire du groupement dentreprises qui a réalisé le chantier. Il retrace les étapes qui ont permis de mettre en place un planning dapprovisionnement sur lopération de Portes-les-Valence.
" Le seul document qui synthétise les besoins logistiques des entreprises, cest le planning des approvisionnements "
CHANTIERS 2000 : De quelle manière avez-vous élaboré le planning des approvisionnements?
Pascal BLONDOT : Les réunions préparatoires avaient été fixées très en amont par rapport à lordre de service. Elles se sont traduites dans un premier temps par des difficultés de mobilisation des entreprises, le projet manquant de lisibilité. Ainsi, les demandes de renseignements relatives aux approvisionnements, aux colisages ou aux phasages de livraison se sont tout dabord avérées très difficiles à obtenir. Jai donc infléchi ma méthode en instituant des ordres du jour précis et concrets qui ont permis de remotiver les entreprises. Le retour dinformations sest alors nettement amélioré et les réponses ont été listées lot par lot, en répertoriant les besoins ainsi que les modes opératoires des entreprises en terme de livraisons. Résultat : nous avons réussi à quantifier les matériaux à mettre en uvre sur le chantier. En parallèle, javais travaillé sur le planning général dexécution, en le détaillant jusquà lordonnancement des tâches. Deux interrogations subsistaient malgré tout : comment impliquer toutes les entreprises dans lorganisation logistique, sachant que certaines nen ont pas lhabitude? Comment vaincre les réticences de lentreprise de gros uvre quant à la dévolution de la grue aux corps détat? Il apparaissait dès lors évident de synthétiser toutes ces préoccupations dans un document afin dévaluer par lot, la durée dapprovisionnement par catégorie de matériaux pour déterminer le temps doccupation de la grue. Dans la mesure où nous disposions dun planning dexécution précis, des phasages et des modes de livraison, des quantités de matériaux, nous avons quantifié facilement le nombre dheures durant lequel la grue allait être mobilisée par semaine. Ce planning dapprovisionnement nous a alors permis de constater que le temps maximal dutilisation de la grue par le second uvre était de huit heures par semaine. Sachant que la disponibilité réelle de la grue nous autorisait jusquà seize heures dutilisation effective, cet écart de huit heures nous permettait dabsorber largement les approvisionnements diffus. De plus, les livraisons étant répartis sur quatre jours, lentreprise de gros uvre pouvait mobiliser durant une journée sa grue pour le coulage de dalle. En fait, ce document a permis ladhésion de toutes les entreprises à la démarche. De manière plus générale - cette opération la démontré - un projet logistique passe par une planification très rigoureuse en terme dordonnancement des tâches. Et le seul document qui puisse synthétiser les besoins logistiques hétérogènes des entreprises, cest le planning des approvisionnements. Cest aussi la seule façon de disposer de marges de réactivité par rapport aux aléas de chantier.
Qui a assuré la coordination du chantier?
P.B : Nous avons fonctionné en binôme : la maîtrise duvre a assuré la coordination du chantier et lUDEC sest occupé de tous les points relevant de lexpérimentation elle-même. A noter quen phase de préparation, limplication de larchitecte avait permis dinstaurer un dialogue très constructif avec les entreprises, par exemple sur le choix des matériaux ou la prise en compte de remarques relatives à des détails techniques un peu compliqués à réaliser.
Toute la phase chantier correspondant à la manutention des matériaux par la grue à tour a été efficacement encadrée par le chef de chantier de lentreprise de gros uvre Malosse, dans un cadre organisationnel strict (plages horaires, etc.). En revanche, labsence dencadrement dune maîtrise de chantier a pénalisé la phase correspondant à lutilisation du maniscope. Autre problème : le regroupement des livraisons de différents corps détat qui ne sest pas révélé convaincant, car trop peu cohérent avec lordonnancement des tâches. Une solution consisterait à mettre à disposition un engin de levage commun une journée par semaine, et dapprovisionner les matériaux par séances de deux ou trois heures, corps détat par corps détat, sur la base dune planification établie dune semaine sur lautre.
LUDEC 26/07 est une structure permanente qui fédère plusieurs entreprises de corps détat secondaires. Lachat dun engin de levage par le groupement représenterait-il un investissement rentable, sachant quil systématiserait par ailleurs une réflexion sur les approvisionnements de la part des entreprises?
P.B : Même dans le cas dappels doffres où nous sommes retenus, tous les membres de lUDEC nassurent pas systématiquement la réalisation. La donne économique et commerciale est telle que, selon les opérations et les configurations locales, certains membres du groupement sont contraints de laisser leur place à dautres entreprises. Autrement dit, lUDEC est une structure à géométrie variable, même si lactionnariat est constitué par un groupe dentreprises identifiées. Doù la réticence à investir dans ce type dengin qui impliquerait aussi demployer un professionnel à plein temps. Même si, à terme, la réglementation sur la sécurité-santé nous impose probablement cette solution.
Pourquoi avez-vous élaboré des plans successifs dinstallation de chantier?
P.B : Il est clair quun seul plan dinstallation de chantier est parfaitement insuffisant par rapport au milieu évolutif que constitue un chantier; il devient obsolète dès la fin du gros uvre. La meilleure configuration correspond à mon sens à un découpage en quatre phases : gros uvre; gros uvre et clos-couvert; gros uvre et second uvre et, enfin, second uvre. Contrairement à ce chantier où nous disposions despace, lexiguïté de certaines opérations rend ce type de démarche incontournable pour gérer correctement le stockage des matériaux et les circulations. Il faut aussi ménager des zones de stockage provisoires permettant de lapprovisionnement diffus, au coup par coup. Le lissage de lactivité de la grue sen trouve de fait amélioré.
Le choix constructif (façade en agglo) a permis de libérer fortement la grue. La méthode mise en place à Portes-les-Valence est-elle reproductible sur un chantier entièrement en béton banché?
P.B : Lanalyse montre que lapprovisionnement des matériaux du second uvre na mobilisé que 50% du temps total de disponibilité de la grue. A lappui dune étude sur la saturation de la grue, je ne vois aucun obstacle qui puisse sopposer à ce type dorganisation en béton banché. Par contre, il faudra certainement utiliser un outil de levage complémentaire à la grue. Le seul corps détat problématique est le plaquiste qui est très demandeur doutils de levage. A Portes-les-Valence, malgré les grandes plages de disponibilité de la grue, il a fait appel à un outil de levage supplémentaire. De par les volumes quil utilise et de par sa situation critique au regard du planning dexécution, cest un lot qui doit disposer de sa propre organisation quant aux moyens de levage.
Comment lUDEC capitalisera cette expérience dans lavenir?
P.B : Par la mise en place, au travers un plan dassurance qualité, dune procédure visant à utiliser sur nos chantiers des moyens logistiques communs. Dans limmédiat, nous travaillons sur une opération de réhabilitation en logements occupés qui prévoit une logistique commune pour latelier-logement. Cela se traduit par la mise à disposition dun camion-grue destiné à approvisionner les matériaux, par lintermédiaire dune ouverture dans le séchoir. En parallèle, nous élaborons une micro-planification-logement insérée dans le planning général dexécution qui intègre des préoccupations logistiques : approvisionnement des portes palières et des fenêtres, approvisionnement des plaques de plâtre en une phase, évacuation des anciens sanitaires et des paillasses par lintermédiaire du camion-grue lors de phases particulières de cette micro-planification. Ma seconde piste de travail concerne la mission de coordination sur la SPS qui recoupe complètement la logistique. En effet, un bon coordonnateur SPS doit dabord être un bon logisticien. Et le fil conducteur dun bon PGC est la logistique, par le biais de la gestion des flux humains et de matériaux entrants et sortants. Ce coordonnateur, au travers de létablissement dun cahier des charges, permet de poser des questions dentreprises et de positionner des objectifs dans une logique partenariale, avec une réponse des entreprises par le PPSPS. Le chantier de lavenir sera peut-être celui qui intégrera un logisticien à part entière, qui sera un véritable coordonnateur SPS...