VERS UNE COHÉRENCE DE LA FILIÈRE SÈCHE
La REX de Saint-Martin dHères (42 logements collectifs), dont le chantier est en cours, porte sur la mise en uvre dun Plancher Composite Interactif Sec (PCIS) - dune portée de six mètres - associé à une ossature métallique. Fruit de la collaboration des membres du Cercle Architecture et Industrie et de lentreprise Spie-Citra, ce plancher constitue une " première " : il est séparatif et totalement sec.
But de lopération : valider les performances théoriques du produit et vérifier la compétitivité économique du système global " filière sèche ". Lutilisation du PCIS devrait permettre doptimiser la séquence STREN (structure-enveloppe), séquence la plus importante de la filière. Elle devrait aussi favoriser les avantages liés à lutilisation des produits secs (méthodes de production industrielle, rapidité des délais, logistique tous corps détat, valorisation du travail). Cette REX marque une étape déterminante. Au travers de ses résultats, se jouent aussi les ambitions de la filière à se poser comme une véritable alternative au béton.
UN PLANCHER SANS BÉTON
" Les systèmes secs ne peuvent être performants que sils sont cohérents et homogènes. Si cette réalisation confirme nos recherches, nous détiendrons un système complet, performant en acoustique, thermique et durabilité. Surtout, nous pourrons enfin maîtriser les délais et tirer profit des produits et méthodes de lindustrie ".
Cest par ces mots quEric Dubosc, architecte de lopération, définit les enjeux liés à cette expérimentation. Enjeux importants en terme économique, mais aussi dans lapproche du chantier. En effet, selon les concepteurs, le PCIS est le dernier maillon qui manquait pour que les systèmes secs puissent aussi trouver un réelle cohérence en matière dorganisation. Daprès larchitecte, " lutilisation du plancher collaborant, malgré lavancée quil représente par rapport aux planchers classiques, fait encore pour partie appel au béton. Il révèle ainsi les limites de la cohabitation entre une filière sèche rapide et une filière humide qui nécessite des étais empêchant une bonne gestion des interfaces et des approvisionnements. En fait, la mixité est synonyme dune soustraction de technologies, les gains escomptés par la partie sèche étant neutralisés par la filière humide ".
Caractéristiques techniques
Le PCIS réalise toutes les fonctions dun plancher séparatif de logements collectifs. Il autorise des portées de six mètres avec une épaisseur de 31 cm et un poids propre de 80 kg/m2. Il est constitué de poutres à ailes dissymétriques supportant les bacs (Haironville). La hauteur des profils est réglée de façon à saraser aux nus des bacs qui prennent appui sur des ailes inférieures. Un feutre Vélimat (Isover), interposé entre la surface métallique (bacs et poutres) et le panneau Triply, intervient comme sous-couche résiliante. Par-dessus, est posé un panneau de fibres de particules Triply (Isoroy) de 12 mm, constitué par des lamelles calibrées et encollées par des résines non-hydrolisables. Afin den augmenter les capacités mécaniques, les fibres qui le composent sont orientées et assemblées en trois couches. Ce panneau participe au contreventement et sert de plate-forme de circulation provisoire durant la phase montage. Puis, est posé un premier lit en plaques de plâtre Prégyplac BA 13 (Lafarge Plâtres) suivi dun second lit de Prégychape 13, haute dureté et hydrofuge qui, après application dun enduit, constitue le support du revêtement de sol. La sous-face du plancher se compose dun matelas de laine minérale (Isover) et dun plafond comprenant deux lits croisés de plaques de plâtre. Il se fixe aux poutres par des suspentes et assure une fonction coupe-feu dune heure. Le plancher répond aux normes de la NRA, avec un indice daffaiblissement acoustique R=57dB(A).
Enfin, léquipe a étudié lincorporation de certains fluides. Daprès Philippe Rousseau (Spie-Citra), " le PCIS est une technique tout à fait adaptée pour passer des fluides. Nous sommes actuellement dans une nouvelle phase de réflexion afin de trouver, avec les industriels, des solutions permettant un passage transversal et horizontal, par exemple au travers dun bac muni de trous dès sa fabrication. Avec la diminution de lépaisseur du plancher, cest une des voies damélioration de cette technique ".
Un repositionnement des acteurs
Lintégration du PCIS dans la filière sèche conduit à se poser la question de la redistribution des tâches. Ainsi, lactivité de larchitecte se trouve modifiée. Il intègre à son projet la technique de réalisation et la mise en oeuvre du matériau (le plancher sec exige que soit décrite, sur les plans, lintervention détaillée des corps détat) et devient ainsi le maître doeuvre de la dimension architecturale et technique. Lentreprise de gros uvre, quant à elle, voit sa part de réalisation samoindrir. Sur ce projet, elle passe de 35% à 10%, le transfert dactivité se reportant sur le plaquiste qui passe de 7 à 20%, le charpentier et le façadier représentant 10% de lactivité.
Lentreprise générale, nassurant quasiment plus de production propre de gros uvre, va donc sorienter vers un rôle de coordinateur et démontrer son savoir-faire en matière de gestion tous corps détat. Selon Robert Aïello (Spie Citra), " La filière sèche modifie fortement lorganisation de la filière construction. Et comme toute transformation profonde du rôle des acteurs, cela ne va pas sans créer des conflits. Les enjeux qui émergent au travers de cette filière sont considérables, ne serait-ce que pour lentreprise générale qui devra affirmer de nouvelles compétences, tant en matière économique que technique ou dorganisation. Cest dans cette nécessaire capacité dadaptation - quelle que soit la technologie utilisée - que se jouera son avenir ".
A suivre...
Ce chantier sachèvera au début de lété. Après évaluation, nous y consacrerons un prochain article qui traitera - entre autres - de la logistique tous corps détat mise en place.