CENTRALE A BETON CENTAURE II : VERS UNE PLUS GRANDE AUTONOMIE DU CHANTIER

Le chantier de Gisors (102 logements collectifs) a été le lieu d’une double expérimentation : la centrale à béton CENTAURE II et un béton à base de cendres volantes ECO2 Béton. Le premier numéro de " CHANTIERS 2000 " s’était attaché à rendre compte du déroulement de cette expérimentation, alors en phase intermédiaire. Le chantier est maintenant terminé. Des problèmes de mise en œuvre et d’aspect non satisfaisant des parements, constatés sur le béton ECO2 durant le chantier, ont conduit l’entreprise Quille à mener une série de tests. Plusieurs hypothèses sont évoquées : mise en œuvre de l’adjuvant, teneur en eau, rôle du malaxage, constance de la composition des cendres volantes. Elles demandent à trouver des réponses avant toute généralisation de l’usage de ce béton.

Pleins feux donc sur la " centrale à béton innovante " CENTAURE II...

Maîtriser la fabrication de son béton

Tel est l’objectif de l’entreprise. Réponse : " mettre à la portée des chantiers moyens, une centrale à béton innovante conservant les atouts des centrales de chantier sans les inconvénients actuels qui en entravent le développement face à l’approvisionnement en béton prêt à l’emploi ". Outre l’intérêt de disposer d’un béton produit " à la demande ", CENTAURE pallie aux difficultés rencontrées (selon l’entreprise) avec les fournisseurs de BPE : attente chantier due au retard d’une toupie, suspicion d’ajout d’eau par les conducteurs, toupie à chargement partiel. " Autonomie, installation rapide, parfaite adaptation aux chantiers de bâtiment constituent quelques uns des avantages liés à la centrale. Par ailleurs, sa capacité à produire le béton en " juste à temps " contribue à réduire le " stress " des compagnons et à améliorer la sécurité " commente Alain Vassal (Direction Technique de Quille).

D’après Jean-Luc Salagnac (suiveur-évaluateur de l’opération), " sans réduire le débat à une opposition BPE-béton de chantier " - qui n’aurait d’ailleurs pas grand sens, tant l’existence des deux solutions, comme l’a démontré l’expérimentation, est plus un atout qu’une entrave pour l’entreprise - il n’en reste pas moins que celle-ci ne peut agir efficacement sur la filière amont. Elle se propose donc, par l’intermédiaire d’expérimentation comme CENTAURE, d’essayer d’agir sur ce qu’elle peut escompter maîtriser.

Une nouvelle génération de centrale

En filiation directe avec CENTAURE I, la nouvelle centrale CENTAURE II a fait l’objet de développements importants. Selon l’entreprise, " l’évolution déterminante a porté sur les automatismes de la machine: programmation d’un plus grand nombre de formules, prise en compte d’un hygromètre, liaison avec le micro-ordinateur du chef de chantier, télécommande de la centrale par le grutier ".

La mise en place de la centrale s’est effectuée sans difficulté et selon les délais prévus (1 journée). La première production du béton en mode automatique a commencé un mois après l’installation de la centrale. Le couplage entre l’automate programmable et le micro-ordinateur de supervision a eu lieu quelques jours plus tard. Conséquence : des fiches de production, autorisant un contrôle a posteriori des caractéristiques des gâchées, ont pu être émises. Un autre point important : la mise en service de la télécommande, qui permet au grutier de déclencher directement la fabrication de la gâchée, apporte un gain de main d'œuvre.

Quelques chiffres : CENTAURE a produit 80% du béton (4700 m3) et le chantier a fait appel pour les 20% restant (865 m3) au réseau BPE. Les causes de recours au BPE sont de natures diverses : 23% pour indisponibilité de la centrale, 40% pour débit insuffisant; 37% pour coulage hors de la zone de grue. L’indisponibilité de la centrale a résulté de plusieurs facteurs, et notamment de difficultés rencontrées sur la sonde hygrométrique, le dispositif de pesage ou sur des problèmes mécaniques (rayon raclant, casque de graviers, casque de la bascule, palier moteur). Le déplacement de la centrale, entre deux tranches de programme a par ailleurs été plus long que prévu (4 jours). Selon l’entreprise, ces problèmes sont maintenant résolus. Quant au recours au BPE, pour cause de débit de béton insuffisant, " il est - comme pour toute centrale traditionnelle de même capacité que CENTAURE - difficilement évitable. La réalisation des ouvrages, dans les conditions de chantier (terrain, météo), a nécessité un coulage rapide, incompatible avec le débit constaté de la centrale (environ 12 m3/h en pointe). Le déroulement du chantier atteste ainsi de la complémentarité des fournitures, par le BPE et par la centrale, du béton nécessaire " souligne Jean-Luc Salagnac.

Bilan et perspectives

Pour l’essentiel, les difficultés rencontrées sur la centrale sont imputables à des problèmes de " jeunesse " du matériel. A noter la collaboration étroite entre l’industriel et le personnel d’encadrement de chantier qui a permis de résoudre de manière efficace la plupart des problèmes rencontrés. Le comportement mécanique de la centrale étant satisfaisant, les développements ultérieurs ne devraient pas poser de difficultés. Un point à éclaircir sur la qualité du béton : " les performances moyennes obtenues durant le seconde phase du chantier, en utilisant des fillers calcaires, posent le problème de la qualité du mélange obtenu. L’hypothèse d’un ciment défectueux a été évoquée, mais ni confirmée ni infirmée" Un facteur d’amélioration nécessaire : la sécurité, quant aux conditions de nettoyage de la centrale, et plus particulièrement d’accès à la plate-forme de réception du béton. Un résultat brut (l’imbrication des deux REX CENTAURE et ECO2 ne permettant pas une analyse détaillée) : le coût du mètre cube de béton produit par la centrale s’établit sur ce chantier à 421,51 francs contre 410, 35 francs pour la fourniture de BPE.

Depuis Gisors, onze chantiers ont été réalisés par les cinq centrales actuellement en service au sein du groupe Bouygues. A terme, toutes les anciennes centrales à béton (12 unités) devraient être remplacées par CENTAURE. Le comportement mécanique de la centrale étant satisfaisant, les développements ultérieurs ne devraient pas poser de difficultés. Plusieurs points d’amélioration sont actuellement en cours : installation d’un modem pour contrôler et améliorer la production et le fonctionnement à distance de la centrale, commande manuelle " ajout d’eau " avec enregistrement sur bon de pesée, sonde des niveaux de silos, etc. D’autres perspectives d’évolution sont envisagées; elles portent notamment sur l’augmentation de la capacité du malaxeur ou la possibilité d’introduire les adjuvants dans l’eau de gâchage.