DES COLIS EN KIT LIVRÉS A L’AVANCEMENT DU GROS ŒUVRE

Bien que des avancées intéressantes aient été observées en matière d’organisation logistique des chantiers, ce thème reste encore porteur de nombreuses questions. En particulier, jusqu’à quel niveau de détail l’organisation doit-elle être poussée pour combiner performance et rentabilité économique? En ce sens, la REX de Valence (40 logements PLA) a apporté un début de réponse. S’attaquant à la gestion des approvisionnements, l’équipe (constituée de PME) a expérimenté un système très fin de colisage en kit.

Des procédures formalisées

A partir d’une enquête préalable, l’équipe a centré sa réflexion sur le conditionnement de certains produits (cloisons-doublages, menuiseries, équipements de chauffage et produits pour les travaux de peinture) et leurs conditions d’approvisionnements. Ce travail s’est traduit par la conception d’un colisage en kit pour les produits de cloisons-doublages et de menuiseries extérieures. Les kits contiennent tous les éléments nécessaires pour réaliser les travaux d’une cellule (ici un appartement) et sont livrés à l’avancement du gros oeuvre : les palettes sont stockées sur la dalle avant la mise en place de la dalle haute de l’étage considéré et de la toiture. Jean-Luc Salagnac (CSTB), évaluateur de la démarche, précise que " la réalisation des kits suppose une fiabilisation de la commande, de manière à être en correspondance avec les besoins du chantier. L’équipe a donc étudié la coordination et la communication entre bureau d’étude et fournisseur ". En phase de préparation de chantier, les corps d’état secondaires ont répondu à des questionnaires d’enquêtes visant à décortiquer les caractéristiques de leurs opérations de manutention et les besoins s’y rattachant. De même, l’entreprise de gros oeuvre a effectué un travail très fouillé sur les différentes phases d’avancement de son lot qui a permis de planifier finement les approvisionnements. Un calepinage détaillé des emplacements de stockage sur les planchers a par ailleurs abouti à un plan des zones de stockage et un tableau synoptique informant le nombre et le type de palettes à stocker. Afin d’obtenir les espaces suffisants au stockage, les planchers sont constitués de prédalles qui ne requièrent qu’un nombre limité d’étais. Les colis sont conçus pour faciliter les manutentions dans les étages en respectant l’ordre de pose des éléments et sont identifiés par un marquage à la peinture correspondant à leur emplacement de stockage. La grue de gros œuvre a manutentionné les colis, directement du camion jusqu’à la cellule, sous le contrôle (efficace) du chef de chantier. Les livraisons se sont déroulées sur la base de réunions hebdomadaires " logistiques " et ont fait l’objet d’un compte rendu spécifique.

Des approvisionnements rapides et précis

212 colis de cloisons-doublages, confectionnés par le négociant, ont été livrés. 24 palettes de menuiseries ont été approvisionnées selon une procédure d’approvisionnement similaire. A noter que les équipements de chauffage et les produits de peinture n’ont pas été approvisionnés à l’avancement du gros œuvre, essentiellement en raison des risques climatiques ou de vol. Pour le lot cloisons-doublages, on observe une forte diminution de la pénibilité des opérations de manutention (pas de coltinage dans les étages). Autre point : l’efficacité avec laquelle les livraisons se sont déroulées grâce au travail de préparation, aussi bien en terme de rapidité (par exemple huit palettes de quatre types livrées en 35 minutes) que de précision (très peu de livraisons non conformes au plan de calepinage). Cependant, des plaques ont souffert de l’humidité (deux cents plaques inutilisables), à la fois à cause d’approvisionnements lors de périodes pluvieuses et du stockage plusieurs mois avant leur mise en œuvre. Cerclées sur des supports métalliques et entourés d’un film plastique, les menuiseries extérieures n’ont, quant à elles, subi aucune détérioration, ni lors de l’approvisionnement, ni durant leur stockage lors du gros œuvre malgré la protection plastique " légère ". De fait, le gros œuvre doit observer des précautions supplémentaires, lors du coulage ou des manipulations d’étais, pour préserver ces menuiseries.

Un bilan contrasté

L’expérimentation a permis de tester les limites d’une organisation logistique de ce type. Ainsi, pour les produits plâtre, le choix de l’appartement comme cellule de référence a contraint à une grande diversification des types de colis. Jean-Luc Salagnac estime que " choisir l’étage comme cellule aurait permis de diminuer le nombre de colis différents (20 types ici) et de centrer les efforts sur la protection des colis contre l’humidité. Associée à des travaux planifiés de haut en bas dans chaque cage d’escalier, cette méthode aurait sans doute optimisé l’organisation ". Le bilan de l’entreprise fait apparaître des surcoûts, notamment pour les études (+ 244% par rapport à un chantier traditionnel), la confection des colis, les plaques abîmées et les plaques en surplus qu’il a fallu évacuer. Par contre, le colisage en kit pour les menuiseries extérieures a donné satisfaction techniquement et économiquement : le bilan montre un gain de 55 heures sur les temps de manutention qui vient compenser le surcoût lié au colisage. L’approvisionnement à l’avancement du gros œuvre fait peser des contraintes sur les choix techniques qu’il s’agit d’étudier très en amont, c’est à dire avec toutes les parties prenantes (qui doivent donc être désignées), entreprises et bureaux d’études. Se pose alors la question du coût de ces choix : par exemple les planchers prédalles sont plus onéreux que les planchers coulés en place qui, eux, restreignent fortement (du fait des étais) les capacités de stockage. Une autre interrogation se pose par rapport à l’avance de trésorerie liée à l’anticipation des approvisionnements qui a été prise en charge ici par le maître d’ouvrage. La coordination des approvisionnements par le chef de chantier est très efficace et facilement reproductible. De même, le calepinage des emplacements de stockage et le marquage des colis se sont avérées de très bonnes solutions. Enfin, comme cette REX l’a démontré, la prescription des produits doit être figée en amont de manière à pouvoir organiser les opérations d’approvisionnement de manière optimale.