" LOGISTIQUE SERVICE " : COMMENT FAIRE PROGRESSER LA CONDUITE DE CHANTIER
On la observé tout au long du programme Chantier 2000, lapproche logistique du chantier mobilise autour dobjectifs de performance (de qualité, de conditions de travail, de délai) tous les professionnels associés à une opération de construction. Mieux gérer les flux dinformations et les flux physiques, fiabiliser la planification, développer de nouvelles formes de coopérations entre les professionnels, intégrer en phase de conception des choix architecturaux ou des partis constructifs facilitant lorganisation, suppose une nouvelle vision - ou tout au moins une certaine évolution - dans la façon daborder le chantier. Lexpérimentation de Pantin (77 logements PLA) constitue le parfait exemple en ce sens : au travers dune cellule dénommée " logistique-service ", les outils développés ont permis à lentreprise générale (Sicra) dentreprendre une préparation du travail et une conduite du chantier réalistes et efficaces.
Une intégration souple et instrumentée des contraintes des entreprises
Le projet est ambitieux; il sagit de développer au sein de lentreprise générale une compétence de gestion, appliquée au domaine de la logistique, qui offre un nouveau service aux corps détat. Traduction opérationnelle : une cellule pluri-entreprises, animée par le conducteur de travaux de lentreprise générale, qui gère les contraintes liées aux flux dinformations, aux flux physiques, au conditionnement des matériaux, etc. Lors des études préliminaires, larchitecte a proposé des solutions destinées à favoriser le transit horizontal des flux physiques par un cheminement permettant le transport des matériaux sur la totalité du plateau, moyennant quelques ouvertures provisoires dans les refends entre logements. De même, les principes liés à lutilisation de loggias et terrasses pour la mise à pied doeuvre des matériaux, ou la mise en service anticipée dun ascenseur en phase de second oeuvre, ont été discutés.
Une instrumentation souple de la communication
Après lélaboration dun premier planning, le conducteur de travaux de lentreprise générale a collecté auprès des corps détat associés, via cinq fiches denquêtes, les informations destinées à cerner les paramètres entourant leur intervention : identification de lentreprise, type dintervention, lieu dexécution, délais et dates dapprovisionnement, nature des matériaux, colisage, moyens de levage nécessaires, etc. Dès ce stade, le conducteur de travaux de Sicra sest positionné dans un rapport direct avec les entreprises pour bien comprendre leurs contraintes; il sagissait pour lui dexplorer toute la chaîne logistique de chaque corps détat, et en particulier de bien dissocier les contraintes internes aux entreprises de celles issues de leurs industriels et fournisseurs.
Les résultats des fiches denquête, les possibilités de stockage sur site des matériaux et de disponibilités de la grue ont servi de socle à la constitution (collégiale) dun planning élargi à la gestion des commandes, des approvisionnements et des stockages sur site. Afin dorganiser de manière optimale les livraisons, les conditions dapprovisionnement du gros oeuvre ont aussi été étudiées dans le détail. A travers cette approche simultanée gros oeuvre/second oeuvre, le conducteur de travaux occupe une position centrale dans le dispositif afin dassurer linterface pour les décisions essentielles, avec pour objectif lobtention dune performance globale de lopération (pas uniquement du gros oeuvre). La gestion du planning en phase chantier sest appuyée sur une seconde série doutils interactifs : des fiches navettes permettant de planifier finement les livraisons en accord avec chaque entreprise : hebdomadaires, journalières et horaires. A partir de la synthèse de ces fiches, lentreprise générale diffusait une fiche de planification hebdomadaire de lensemble des livraisons. Un tableau, établissant les livraisons prévisionnelles à un mois, venait compléter lensemble du dispositif.
Les ascenseurs au service des corps détat
Patrick Martin (Betrec), évaluateur de la REX, le souligne, " sur le plan des livraisons en phase gros oeuvre, le schéma de communication et la centralisation par le conducteur de travaux de lentreprise générale, ainsi que leur suivi hebdomadaire, ont donné dexcellents résultats. En phase de second oeuvre, la mise en service anticipée de lun des ascenseurs a permis dapprovisionner les matériaux après le démontage de la grue. Sur la base de plages horaires planifiées à lavance avec le conducteur de travaux de Sicra, les corps détat intéressés ont utilisé lascenseur (commandé par une clé) pour leurs approvisionnements, avec un accès prioritaire. Ce mode de fonctionnement, en " temps réservé prédéterminé " et partiel, na généré aucune dégradation de lascenseur. En fin de chantier, les travaux de VRD, et la fermeture des murs de refends, ont impliqué la mise en service anticipée des autres ascenseurs; ceux-ci ont été utilisés selon la même procédure, sans aucun problème. Le système de communication utilisé durant le gros oeuvre a perduré durant le second oeuvre avec des résultats également excellents.
Perspectives
Cette opération marque des progrès importants dans la connaissance et la matérialisation des mécanismes de communication nécessaires à lexercice dune logistique efficace. En particulier, le métier de conducteur de travaux dentreprise générale évolue fortement. Alors que ces dernières années, il assurait essentiellement des fonctions de gestionnaire, lapproche logistique lui confère un véritable rôle de synthèse et de coordination TCE, aussi bien technique quorganisationnelle, afin dassurer une meilleure performance globale du chantier. Dans cette configuration TCE, le conducteur de travaux entretient un nouveau type de relations avec le chef de chantier gros oeuvre et avec les conducteurs de travaux des entreprises de second oeuvre en sappuyant sur deux points essentiels : une connaissance plus complète du fonctionnement et des logiques dintervention des entreprises de second oeuvre; des échanges dinformation centrés sur les points de rendez-vous nécessaires à la coordination des interventions (choix des produits, commandes, livraisons amenées à pied doeuvre,...).
La réussite de cette fonction de synthèse/coordination de la production TCE repose sur une instrumentation pertinente qui prend sa source en phase de préparation de chantier par lintégration des besoins et contraintes des différents intervenants du chantier et par une organisation formalisée et souple des échanges dinformations. En phase chantier, cet échange dinformations permet daffiner et de réajuster progressivement lorganisation de chaque intervention plus on se rapproche temporellement de sa date de démarrage. Une traduction essentielle de cette préparation élargie et progressive est constituée par un outil planning portant sur les activités réelles de chacun et intégrant les commandes et approvisionnements. Le planning ne se comprend plus alors comme un outil de gestion de tâches dans le temps, mais comme un outil de gestion des activités de production et de mise en cohérence des différentes activités. Loutil planning, dans son élaboration, ses réajustements, ou ses approfondissements ponctuels si nécessaires, devient ainsi un véritable outil de dialogue entre intervenants et de prise de décisions. Et, comme la REX de Pantin la préfiguré, lentreprise générale soriente vers une véritable fonction dingénierie logistique des activités de production.