UNE LOGISTIQUE AUTOUR DE L'ENTREPRISE GÉNÉRALE

La logistique constitue un des thèmes principaux du programme CHANTIER 2000. Pour certains, elle relèverait d'un "bon sens" évident. Oui, mais alors pourquoi tant de difficultés dans la reconnaissance des besoins d'autrui en matière d'approvisionnement ou de gestion des interfaces? Le thème est large, complexe; il nécessite une forte concertation entre tous les intervenants dès l’amont du chantier. "Plus facile à dire qu'à faire"... surtout lorsqu'il est nécessaire de rompre avec les habitudes. Et pourtant, il est raisonnable de penser que si l'entreprise générale se préoccupait de la productivité de ses sous-traitants, au travers d'une organisation intégrée, elle pourrait elle-même accroître sa productivité.

La REX de Saint-Chamond visait justement à organiser la logistique de chantier autour de l'entreprise générale. Celle-ci devait mettre à disposition des corps d'état secondaires sa capacité logistique, en termes de moyens matériels et de planification, afin de mieux répondre à leurs besoins en matière de flux de produits et d’information.

UN PLANNING TRES PHASE

D'après Marc Gibert (CETE de Lyon), suiveur-évaluateur de l’expérimentation, "le planning de ce chantier constituait la traduction de quatre soucis particuliers: le respect du délai contractuel et si possible sa réduction; le souhait des sous-traitants d'avoir une intervention en continu pour des raisons de productivité; la volonté de l'entreprise générale de tendre vers l'intervention unique afin de mieux pouvoir contrôler les équipes de travaux; profiter du choix des cloisons en carreaux de briques qui permet de ne pas attendre le "hors-d'eau" comme dans le cas des plaques de plâtre".

Concrètement, l'entreprise générale a élaboré le plan d'installation de chantier et le planning tous corps d’état par cage. Elle a fourni aux sous-traitants un synoptique donnant par cage la répartition des différents types de logement afin de faciliter leur prévision d'approvisionnement, depuis les plates-formes vers les logements proprement dits. Au principe d'intervention unique, s'est ajouté la préoccupation d'offrir aux corps d’état l'avantage de pouvoir travailler seuls dans un logement donné.

UNE LOGISTIQUE LIMITÉE A LA GRUE

La réflexion logistique de l'entreprise générale a essentiellement porté sur l'usage de la grue et sur l'installation de recettes d’approvisionnement à chaque étage et pour chaque cage. De ce fait, seuls les sous-traitants intervenant habituellement juste après le démontage de la grue ont été associés à l'expérimentation : charpentier, menuisier extérieur et cloisonneur.

Pour les matériaux et produits soulevés par la grue du gros-oeuvre, la palettisation a démontré son intérêt dès lors que la palette est dédiée à une cage et un niveau donné. De même, les plates-formes de réception des palettes et matériaux ont été appréciées par les sous-traitants. Cependant, ils ne considèrent pas comme novateur l’utilisation de la grue du gros œuvre. D'après le CETE de Lyon, " c'est pratiquement devenu la règle, de manière officielle ou occulte, et à titre payant ou gratuit selon le cas et les formes de marché ". Il semble que ce soit plutôt l'esprit d'ouverture entre les sous-traitants et le chef de chantier qui ait favorisé une réelle mise à disposition de la grue sur ce chantier.

LE CONDUCTEUR DE TRAVAUX HOMME-ORCHESTRE DE LA LOGISTIQUE

Le rôle du conducteur de travaux est de nouveau apparu fondamental dans la démarche logistique. Il est constamment intervenu dans le réglage des flux de matériaux alimentant le chantier; dans la taille et le rythme des équipes de second œuvre et dans la conduite de ces équipes. Par ailleurs, il a mené les discussions avec les fournisseurs, permettant ainsi des livraisons à la date prévue. Ainsi les menuiseries extérieures ont été livrées sur la base d'un quantitatif élaboré par GREGOREX (industriel-fournisseur des menuiseries), à partir des plans d'architecte. Sur la base des informations du quantitatif, les palettes constituées comportaient le nombre exact de menuiseries identiques pour une cage et un niveau donné. L'industriel n'a pas souhaité aller jusqu'à la palettisation de menuiseries de type différent permettant l'approvisionnement complet d'un logement. " L’exemple de Saint-Chamond montre qu'il subsiste une divergence entre la logique de production industrielle et celle du chantier " commente Marc Gibert. Pourtant, il semble bien que la logistique peut être le point de convergence de ces deux logiques de production et ainsi engendrer une meilleure collaboration entre les industriels et le chantier, comme l’ont montré en partie les opérations de La Rochelle et de Gières.

BILAN

Pour Campenon Bernard Régions, " on assiste à un renforcement du rôle de l'entreprise générale qui viendrait compenser les dysfonctionnements dus à un manque de structure d'encadrement pour certains corps d'état ". Comme à Gières, l'importance du conducteur de travaux est apparue fondamentale dans la gestion de la logistique. Mais, jusqu’où peut aller son rôle dans les relations avec les fournisseurs des sous-traitants? On peut regretter que la préparation de chantier n'ait pas fait l'objet d'une véritable concertation permettant une meilleure appréhension des besoins logistiques de chaque entreprise. La mise en commun de la grue s'est montrée efficace mais soumise à certaines conditions (rémunération du grutier, meilleure information initiale, budget-temps adéquat pour que le gros œuvre n'ait pas l'impression d'être "lésé" par le levage des matériaux de second œuvre).

Si l'opération de Saint-Chamond n'a pas accouché de procédures réellement innovantes (plates-formes de réception, grue), elle a toutefois permis de formaliser un certain nombre d'entre elles, habituellement pratiquées de manière conflictuelle et non-organisée. D'après Marc Gibert, " cette expérimentation a été un support de perfectionnement et d'optimisation de pratiques déjà connues d'utilisation commune de la grue et de renforcement de la position de l'entreprise générale auprès des sous-traitants. Elle a permis d'entrevoir l'entreprise générale comme fédératrice de logiques productives différentes, voire antagonistes, dans un cadre de planification du projet "".

Cette REX démontre également les limites d'une organisation logistique "sur le chantier" dans un système traditionnel (refends porteurs), aussi bien en terme d'évolution de l'ordonnancement des interventions (forte contrainte de l'organisation du gros œuvre sur le second œuvre) que d'amenée à pied d’œuvre des matériaux des corps d’état.

Cela traduit les limites du mode de rationalisation actuel pensé par l’entreprise générale, à partir des objectifs du gros œuvre, dans un cadre de partenariats éphémères avec les sous-traitants.