ENTRETIEN AVEC ERIK MIGNARD ET THIERRY PASQUINELLI

" Nous posions 100m2 de dalles par jour avec quatre ouvriers ! "

Erik Mignard et Thierry Pasquinelli sont directeur de production et conducteur de travaux chez SOTRAM. D’après eux, la rapidité et la facilité de mise en œuvre, les bonnes conditions de travail et la sécurité constituent les avantages liés à l’utilisation de la dalle alvéolée.

CHANTIERS 2000 : De quelle manière avez-vous organisé le cycle de gros œuvre par rapport à l’utilisation des dalles alvéolées?

Thierry PASQUINELLI : Notre objectif était que chaque camion soit livré sur le chantier avec un ordre de chargement permettant la pose directe des dalles sur l’ouvrage, sans stockage intermédiaire. Nous avons donc défini un cycle de gros œuvre rigoureux, avec des tranches horaires que nous avons respectées. C’est la grande différence avec un chantier plus traditionnel. Lorsque nous utilisons des prédalles, leur stockage sur le site permet d’obtenir une plus grande flexibilité dans l’organisation de la journée de travail. Sur cette opération, nous nous sommes organisés de la manière suivante :

- de 8h00 à 9h00, nous procédions au décoffrage des banches mises en place la veille. Dans un second temps, nous les repositionnions sur la nouvelle partie d’ouvrage à réaliser. En parallèle, nous réceptionnions les livraisons de matériaux;

- de 9h00 à 11h00, nous effectuions le déchargement et la mise en place des dalles, directement depuis le camion;

- de 11h00 à 12h00, nous réalisions la fermeture des banches.

A partir de 13h00, nous pouvions donc commencer à couler le béton. En terme de conditions de travail, c’est un avantage important. Lors de chantiers plus classiques, il est courant que nous ne puissions pas couler le béton à cause de la saturation de la grue dans la matinée. Il faut à la fois réaliser la fermeture des banches et la préparation pour la pose des prédalles et des dalles. Nous sommes donc souvent contraints de faire des heures supplémentaires, parce que nous ne pouvons pas couler le béton dès le début d’après-midi.

De 16h00 à 17h00, nous procédions à un nivellement très précis des arases de voiles pour les appuis de dalles. Plus globalement, cette précision est aussi liée à la qualité du travail constatée sur ce chantier. Comme nous n’étions jamais comprimés par les horaires, nous avons retravaillé sur les détails afin d’optimiser la qualité de l’ouvrage. Enfin, les ouvriers ont pu régulièrement vérifier l’état du matériel et nettoyer le chantier. Résultat: un chantier propre et un matériel en bon état de fonctionnement qui ont contribué à un meilleur confort de travail.

La sécurité fait partie des avantages liés à l’utilisation des dalles alvéolées.

T.P : Absolument. C’est une sécurité facile à mettre en œuvre du fait de la répétitivité dimensionnelle du produit. Au fur et à mesure de la pose des dalles, nous posions les garde-corps à l’avancement. Ce qui n’est pas le cas pour la pose des prédalles pour lesquelles la sécurité n’est souvent que très partielle. Elle est en effet difficile à mettre en œuvre, les prédalles ayant une diversité de formes qui se prêtent mal à une mise en place répétitive des garde-corps. La dalle alvéolée présente l’avantage d’une sécurité intégrée à sa mise en œuvre; elle n’oblige pas à se reposer la question de la sécurité à chaque phase d’avancement de l’ouvrage.

Avez-vous travaillé avec un effectif plus réduit que sur un chantier traditionnel?

T.P : Nous posions 100m2 de dalles par jour avec un effectif de quatre ouvriers. Par comparaison, je peux vous affirmer que vous n’arriverez jamais à ce résultat avec des prédalles pour lesquelles au moins six personnes - sur un rythme très tendu - sont nécessaires. Néanmoins, en terme de gains financiers, il faut nuancer ce constat. Le prix des dalles et le fait que nous soyons obligés de couler une chape en béton pour noyer les fluides sont des éléments négatifs sur les coûts directs. En revanche, nous bénéficions d’une organisation plus légère et d’une phase gros œuvre plus rapide. Nous sommes parvenus au but que nous nous étions fixés au départ : prouver que nous pouvions satisfaire aux objectifs de prix PLA qui étaient fixés. La dalle alvéolée est certainement génératrice de gains; c’est l’expérience qui permettra de les optimiser.

Erik Mignard : Sur la mise en œuvre du produit, tout ce qui vient d’être dit est exact. Je pense même qu’en terme de délais, la phase gros œuvre aurait encore pu être optimisée. Par contre, en terme d’évaluation économique, il faut être prudent. D’abord, d’un chantier à l’autre, un bilan financier est difficilement comparable. Ensuite, pour pouvoir effectuer une comparaison avec une solution prédalles par exemple, il faudrait refaire un chantier à l’identique avec cette technique. Or, les deux produits ne sont pas comparables; ils ne s’appliquent pas aux mêmes projets.

De quelle manière s’effectue la pose des dalles sur l’ouvrage?

T.P : Les dalles sont stockées dans un ordre précis chez l’industriel (BONNA) en fonction de l’avancement de pose dont nous avons convenu avec lui. Elles sont ensuite livrées par camion avec un palonnier de manutention et des pinces spécifiques qui permettent leur prise par leurs rainures latérales. Chaque dalle dispose, grâce à l’informatique et au calepinage, d’un repère unique et se positionne alors directement sur l’ouvrage. La mise en œuvre de la dalle alvéolée introduit une notion de rigueur très importante dans le travail. Elle oblige à une préparation accrue qui bannit ce qui reste encore une caractéristique du chantier: l’improvisation. Plus généralement, je crois que les produits préfabriqués réintroduisent la notion de préparation qui est corrélative avec la notion de qualité. Cette rigueur passe d’abord par un dialogue entre l’entreprise et le fournisseur. Il y a des contraintes techniques liées au produit que l’utilisateur ne connaît pas obligatoirement et dont le fournisseur doit l’avertir. C’est à ce dernier qu’incombe de valider la demande de l’entreprise.

Les réservations ont été effectuées par carottage directement sur le chantier.

T.P : Nous avons choisi cette solution pour permettre aux entreprises de bien appréhender les problèmes de localisation des réseaux. Techniquement, ça n’a pas posé de difficultés. Par contre, ce n’est pas une solution très confortable. Le chauffagiste effectue un traçage préliminaire au sol qui est ensuite contrôlé et validé par le conducteur de travaux ou le chef de chantier. Ce contrôle a pour but de vérifier qu’il n’y ait pas de risque de découpe de torons. Lors du carottage lui-même, la présence du conducteur ou du chef de chantier est aussi requise, tout risque de contrôle défectueux n’étant jamais complètement éliminé. C’est une procédure lourde mais difficile à changer.

Certaines dalles comportaient des coupes biaises. Avez-vous connu des problèmes lors de leur mise en œuvre?

T.P : C’est le seul problème dimensionnel auquel nous avons eu à faire face. Certaines dalles ne présentaient pas un angle de coupe suffisamment précis. Nous avons constaté quelques contacts ponctuels entre abouts de dalles successives.

Le planning d’intervention des corps d’état secondaires révèle que vous avez privilégié l’intervention des lots techniques. Pourquoi?

T.P : Nous avons effectivement privilégié ces lots, à savoir le chauffagiste, le plombier et l’électricien. Ce choix résultait de deux facteurs :

- historiquement, ils étaient nos interlocuteurs initiaux. Ils ont apporté les premières réflexions en matière d’organisation des corps d’état par rapport à la dalle alvéolée;

- nous pouvions confier les lots " chauffage, VMC, plomberie " à une même entreprise. Nous limitions donc à deux intervenants la réalisation des réseaux incorporés dans les chapes. Ainsi, l’entreprise " chauffage, VMC, plomberie " bénéficiait d’une intervention en continu.

Ce dernier point est important. Sur cette opération, les incorporations s’effectuent indépendamment du gros œuvre du fait de la présence de chapes. Il nous apparaissait donc intéressant d’obtenir dès le départ des incorporations très précises afin d’éviter des interventions multiples des corps d’état. L’entreprise chargée des lots " chauffage, VMC, plomberie " a ainsi réalisé simultanément l’incorporation des réseaux en chape, les liaisons verticales avec les appareils de chauffe et la mise en place de ces dernières. La chape était ensuite coulée. Deux petits bémols cependant:

- quelques appareils de chauffe étaient situés sur les cloisons distributives. Celles-ci sont posées après l’intervention du chapiste. Le chauffagiste a donc été obligé de procéder à une seconde intervention pour poser les appareils de chauffe;

- la pose des attentes de baignoires ne peut s’effectuer, elle aussi, qu’après la mise en place des cloisons distributives.

Par contre le plaquiste est intervenu à plusieurs reprises.

T.P : Il a procédé en deux fois. Une intervention pour le doublage et les cloisons séparatives et une autre pour la mise en place des cloisons distributives. Je pense qu’il est de toute façon très difficile de tendre vers une intervention unique pour ce corps d’état. Les problèmes essentiels liés à cette double intervention se situent dans l’approvisionnement et le nettoyage qui s’effectuent en deux fois.

E.M : Du fait de la grande largeur des cellules entre murs de refends, nous avions proposé au plaquiste un approvisionnement des cloisons de doublages par façade ouverte, alvéole par alvéole. Après enquête auprès des fabricants, nous nous sommes aperçus que leur processus de palettisation était invariable et ne correspondait pas aux quantités de doublages et cloisons nécessaires par cellule. Nous avons donc étudié plusieurs solutions :

- dépalettiser une partie de la livraison et la reconditionner pour la faire livrer sur le chantier. Le distributeur n’était pas équipé pour assurer cette tâche convenablement;

- approvisionner par palettes entières puis dépalettiser directement dans la cellule et redistribuer les produits. Nous étions bloqués par les refends et les manutentions entre cellules auraient été difficiles;

- dépalettiser et recomposer les palettes à pied d’œuvre. Cela nécessitait une aire de stockage intermédiaire que la nature du terrain -très sensible à la pluie - ne permettait pas.

Nous avons donc approvisionné les plaques par les cages d’escaliers. Plus généralement, cela démontre qu’il y encore beaucoup d’efforts à faire afin que les industriels adaptent leur colisage aux exigences de chaque chantier. De même pour le distributeur qui pourrait jouer un rôle important dans le reconditionnement des palettes.

Comment avez-vous approvisionné les maçonneries?

E.M : Sur les deux premiers bâtiments, nous avons approvisionné les maçonneries une fois la structure terminée. Par contre, sur les deux autres bâtiments nous avons approvisionné les palettes à l’avancement de la pose des dalles. Cette deuxième solution s’est avérée plus confortable et génératrice de gains de délais.

Des transferts de tâches ont-ils eu lieu?

T.P : Le traitement des joints entre dalles a fait l’objet d’un transfert entre le gros œuvre et le peintre. Dans le cas d’un chantier en prédalles, le gros œuvre livre le plafond béton prêt à enduire. Dans ce cas particulier, nous avons procédé différemment pour plusieurs raisons:

- du fait des bonnes arases -et c’était un des objectifs de cette REX - le décalage maximum d’une dalle par rapport à l’autre est de l’ordre de +/- 5 mm. Le plafond ne nécessitait donc que très peu de finitions;

- il me paraissait inutile de faire appel à un finisseur qui allait intervenir dans une zone où le peintre allait monter un échafaudage et faire une préparation pour ses enduits;

- les produits de finition que nous utilisons peuvent s’avérer incompatibles avec ceux des peintres.

De manière plus générale, nous avons considéré que les joints entre dalles constituaient une des spécificités de ce chantier. Il était donc intéressant de confier leur traitement au corps de métier le plus à même de trouver les meilleurs compromis.