ENTRETIEN AVEC HUMBERT DI LEGGE
Humbert Di Legge est larchitecte de lopération de Cormontreuil. Daprès lui, le développement de la dalle alvéolaire dans le logement passe dabord par un allongement des trames portant de façade à façade afin de permettre une plus grande souplesse dans la conception des pièces.
" Une trame de douze mètres permettrait de mélanger petits et grands logements"
CHANTIERS 2000 : Est-ce que lutilisation dun nouveau produit, tel que les dalles alvéolées, vous pose des problèmes au niveau de la conception architecturale?
Humbert DI LEGGE : Il ne faut surtout pas que larchitecte considère quil est systématiquement frustré lorsquon le contraint à travailler avec une technique dont il na pas lhabitude. Il lui faut dabord en accepter les contraintes. Mais surtout - et cest que ne savent pas faire les entrepreneurs et les industriels - en optimiser les potentialités. Cest justement avec des contraintes quil est possible de concevoir un projet différent et de même qualité quune technique sans contraintes particulières. A lorigine du projet de Cormontreuil, lindustriel prévoyait dutiliser la dalle alvéolaire avec des façades linéaires et des coupes droites. Jai essayé de travailler le projet avec des coupes biaises, des porte à faux, des poses en biais, en relation avec lurbanisme du site. Je pense que larchitecte qui veut sinscrire dans le processus du logement doit actuellement être capable de répondre à une grande complexité de gros uvre.
Vous pensez que le développement des dalles alvéolées passe par des trames plus longues afin de porter de façade à façade. Pourquoi?
HDL : Cest effectivement une piste damélioration intéressante. Il faudrait pouvoir porter de façade à façade, avec des trames de douze mètres, de manière à saffranchir du banché. Ce sera une nouvelle façon de concevoir les logements, puisquil ny aura plus de trame fixe mais un grand espace dans lequel on pourra cloisonner beaucoup plus librement. Dautre part, ce sera important en cas de restructuration du bâtiment. Cest dailleurs selon cette configuration que javais traité lesquisse et lavant-projet. Ce qui mintéressait, cétait, à partir des critères durbanisme, de déterminer lenveloppe des bâtiments puis de retravailler lintérieur. Je voulais obtenir un remplissage qui fasse complètement abstraction des murs. Je pense que si, dans lavenir, on ne peut franchir ce pas, le produit aura du mal à simposer dans le logement. Je ne crois pas que ça pose des difficultés pour lindustriel. Ce sont plutôt les entrepreneurs et le CSTB qui craignent la portée dans lautre sens par rapport à des problèmes de fissuration des façades.
A létranger, ce produit est banalisé dans le logement. On peut donc imaginer que des solutions existent.
HDL : Daprès ce que je sais, à létranger, la dalle alvéolaire est mise en uvre sur différentes trames avec des ossatures en poteaux-poutres. Cest une autre logique daction qui induit une approche des coûts différente. Il est bien évident que la solution idéale serait de pouvoir choisir, en fonction du projet, la technique qui convient le mieux. Mais il est tout aussi évident quil faudrait pour cela disposer de véritables techniques alternatives. Or, actuellement, les entreprises de gros uvre ne sont véritablement " outillées " que pour uvrer sur du refend porteur tramé tous les six mètres. Fatalement, ça rejaillit sur le travail de larchitecte qui conçoit lui-même de cette façon. Je crois quéconomiquement, la solution du banché a déjà tellement été optimisée quon ne peut plus espérer gagner grand chose. Si les entreprises veulent continuer à gagner de largent dans le logement social, il faudra bien quelles évoluent vers de nouvelles techniques qui leur permettront de baisser leurs coûts. En ce qui concerne Cormontreuil, les études de SOTRAM tendraient à conclure que si lon avait adopté une solution classique, avec des trames banchées et des planchers tous les six mètres, le prix serait le même quavec la solution expérimentée, à savoir des dalles alvéolaires et des banches tous les neuf mètres. Cest déjà un point positif.
Le projet a fait lobjet dune utilisation de linformatique au niveau de la conception architecturale et technique.
HDL : Cest exact. Habituellement, on utilise la dalle alvéolaire sur des bâtiments linéaires (parkings, bureaux, locaux industriels). A Cormontreuil, javais souhaité quon intègre des courbes en façades afin de suivre le tracé de lavenue. Ce point me paraît important : cest la technique qui sest pliée au parti urbanistique et non linverse. A partir de là, linformatique nous a permis dimaginer plusieurs solutions afin doptimiser lutilisation de la dalle par rapport à cette contrainte. Par ailleurs, léchange de disquettes avec lindustriel a favorisé une parfaite cohérence entre les plans de larchitecte et les plans dexécution. Afin deffectuer le calepinage des dalles, ils ont en quelque sorte " nettoyé " nos plans pour nen garder que les gaines et les éléments de dalles.
Ce produit permet-il une plus grande souplesse dans la conception des pièces?
HDL : Le travail de conception a été facilité par le fait que le maître douvrage de lopération construit plutôt des logements de trois à cinq pièces. Nous navons donc pas adapté le programme par rapport à la technique. Ces logements utilisent habituellement une trame de six mètres plus une trame de trois mètres. Grâce à la portée des dalles, nous avons travaillé le projet de telle sorte, quen supprimant un mur, nous obtenions une trame de neuf mètres. Au lieu de jouer sur une largeur très stricte dans laquelle on insère deux pièces dans un axe de six mètres, on a pu saffranchir de cette contrainte et obtenir une plus grande liberté dans le dimensionnement des pièces. A titre dexemple, nous avons pu concevoir presque toutes les salles de bains en façade, avec une lumière naturelle. Lintérêt de passer sur une trame de douze mètres, avec un plateau libre, cest que ça permettrait de mélanger petits et grands logements. Dans le cas de Cormontreuil, si nous avions dû concevoir des petits logements, la trame de neuf mètres se serait avérée inadaptée et nous aurions dû repasser sur une trame " classique " de six mètres qui naurait pas véritablement permis de démontrer les avantages de la dalle alvéolaire.