LA GRANDE PORTÉE DANS LE LOGEMENT

A l’étranger (Amérique du Nord, Europe du Nord), les dalles alvéolées précontraintes (DAP) sont un produit connu et utilisé indifféremment dans tous les secteurs de la construction. La situation en France constitue une exception. Malgré une progression récente enregistrée dans la construction de bureaux, parkings ou locaux industriels, ce produit n’a pas réussi à pénétrer le secteur du logement. Les réticences des constructeurs se situent principalement au niveau du traitement de finition de la sous-face du plancher (planéité, joints entre dalles). D’autres questions se posent sur les plans acoustiques et économiques. Résistances conséquentes et difficiles à lever, surtout lorsque les mauvaises conditions économiques incitent plutôt les professionnels à se retrancher sur des techniques traditionnelles qu’ils maîtrisent parfaitement.

A Cormontreuil, près de Reims, une opération de 81 logements est en cours. Elle met en oeuvre des planchers en dalles alvéolées précontraintes d’une portée de neuf mètres. Acoustique, grandes portées, organisation du chantier, planéité et joints des plafonds sont au menu de cette REX initiée par l’industriel BONNA.

Souplesse de conception

Le programme se compose de quatre bâtiments comportant 20 logements chacun, implantés sur des parkings enterrés. Façades courbes, décrochés de façades avec balcons, escaliers et dessertes des logements situés en façade sont les caractéristiques principales des bâtiments. Selon l’architecte, Humbert Di Legge, c’est un projet qui permet de tester les DAP sous de fortes contraintes architecturales. "  L’espace libéré entre les banchés de 9 mètres a permis d’obtenir une plus grande souplesse dans la conception des pièces. Cela dit, il faudra à l’avenir travailler plus systématiquement avec des portées de façade à façade pour s’affranchir du banché ".

Maîtriser les contreflèches

Les dalles utilisées, d’une épaisseur de 20 cm entre logements et de 26,5 cm entre sous-sol et rez-de-chaussée, ont une portée libre de neuf mètres de refend à refend ou de façade à façade. L’équipe a utilisé des dalles à abouts sciés sans toron dépassant. La qualité des arases de voiles est très importante pour assurer un bon appui des dalles (+/- 5mm sur 12m) De plus, une largeur d’appui de 8cm a été recherchée. Afin d’y parvenir, " le niveau d’étage est repéré à la lunette sur la paroi extérieure de la banche par une marque au stylo. Connaissant d’après les plans le niveau de l’arase à réaliser, les compagnons opèrent une succession de mesures destinées à évaluer le niveau final du béton dans la banche à partir du bord supérieur de celle-ci. A partir de cette cote, il est procédé à un réglage du niveau de béton en fin de remplissage et après vibration, par ajout ou retrait de petites quantités de béton. Un lissage de la surface du béton, à l’aide d’une règle de maçon, termine l’opération " commente Jean-Luc Salagnac (CSTB), évaluateur de l’opération.

Seuls les voiles porteurs sont réalisés en béton banché. La plupart des voiles de façade sont exécutés en blocs de maçonnerie. Afin de maintenir latéralement la façade auto-porteuse, des pattes en acier ont été insérées dans les chaînages horizontaux et fixées à la dalle.

La maîtrise de la contreflèche est assurée par la présence d’acier dans la partie supérieure de la dalle. Les dalles de planchers étant posées, il faut éviter tout décalage d’une dalle à l’autre. L’équipe a résolu ce problème par un chargement des dalles avant leur clavetage (décalage maximum de +/- 5mm). Une chape est ensuite réalisée sur l’ensemble des planchers. Son objectif est de permettre un rattrapage de la planéité et l’incorporation des fluides. Les joints entre dalles sont traités d’une façon traditionnelle par remplissage. L’Effort Rémois (maître d’ouvrage) a opté pour un entoilage complet du plafond revêtu d’une couche de peinture.

Un rythme de chantier élevé

Compte tenu de la petite surface des bâtiments (environ 600m2), deux bâtiments sont réalisés simultanément, ce qui donne, par niveau de bâtiment, un cycle de 5 jours pour les voiles et un cycle de 5 jours pour les dalles. Conséquence : l’équipe a exécuté un niveau d’étage par jour.

L’incorporation des réseaux s’effectue dans les chapes, indépendamment du gros œuvre. Par ailleurs, les équipes interviennent par logements entiers. Ainsi, l’entreprise chargée des lots chauffage, VMC, plomberie a réduit le nombre de ses interventions en réalisant simultanément plusieurs opérations habituellement dissociées (voir interview de l’entreprise SOTRAM). Ce résultat a pu être obtenu en scindant l’intervention du plaquiste en deux opérations:

- pose du doublage thermique et de quelques cloisons séparatives avant les chapes;

- pose des cloisons distributives après les chapes.

Acoustique

Un des objectifs de cette REX est de vérifier que les performances acoustiques des dalles répondent aux normes de la Nouvelle Réglementation Acoustique (NRA). Des mesures sont actuellement en cours. Nous vous ferons part des résultats lors d’un prochain article, après l’évaluation de cette opération qui se terminera vers fin Juin.