PRÉSENTATION


L'objet de notre contribution est de présenter de manière synthétique le projet italien de Treno ad Alta Vélocità (TAV), que nous traduirons par train à grande vitesse) dans ses aspects financiers, contractuels et procéduraux. Nous formulerons notre analyse à partir de l'avancement et des évolutions du projet. Ce travail s'inscrit dans le cadre de la recherche confiée au Groupe Bagnolet. Ses résultats doivent donc être évalués par rapport aux objectifs de celui ci. L'objectif était d'analyser les effets que le processus d'internationalisation, lié à l'ouverture des frontières et à l'unification des marchés entraîne sur les systèmes de relations entre acteurs et les règles du jeu. La démarche méthodologique retenue consistait à s'appuyer sur l'analyse de quelques projets européens, en particulier ceux qui mobilisent une forte interaction de différents systèmes nationaux et qui permettent d'appréhender le degré d'assimilation des politiques communautaires et leur capacité à transformer les procédures selon les objectifs désirés.

Face à ces objectifs, il est difficile de situer la place exacte du cas italien du TAV, du fait de l'absence d'interaction entre systèmes nationaux ou même entre acteurs de différentes nationalités, en dehors de deux exceptions : d'une part, les experts chargés de vérifier la conformité et la validité des offres économiques des general contractors (entreprises générales); d'autre part, quelques acteurs financiers étrangers qui ont participé au financement du projet. En dehors de ces deux éléments, force est de constater que le TAV échappe à la grille de lecture de l'internationalisation des procédures, des acteurs et des produits: des raisons d'antériorité chronologique à la réglementation européenne se combinent à la présence d'acteurs traditionnels et à l'usage de procédures d'attribution et de répartition des marchés publics qui n'ont pas manqué de faire l'objet de nombreuses contestations internes. Celles ci font, toutefois, désormais partie des "archives", du fait d'actes et de décisions formelles rendues par des autorités légitimes (Consiglio di Stato, agence suprême de la magistrature administrative, et autorités garantes pour la concurrence et les marchés). D'autre part, même le choix des standards et des normes techniques pour le TAV fut arrêté sur la base d'exemples de réseaux à grande vitesse réalisés dans d'autres États, mais avec des caractéristiques très différentes chez les uns et les autres..

C'est dans ce contexte qu'il faut poser la question des avantages compétitifs des entreprises italiennes. La recherche met néanmoins à jour un certain nombre d'éléments qui présentent un intérêt indéniable pour notre propos. Nous pensons en particulier au rôle primordial qui revient au contrat de concession, comme instrument de maîtrise des coûts et des délais mais aussi de répartition des risques entre contractants. Le cas du TAV nous apporte aussi d'autres enseignements précieux sur le mode de définition des spécifications contractuelles des travaux à réaliser et sur l'inadéquation des compétences techniques de l'administration publique. Une innovation par rapport à la pratique nationale habituelle tient à la volonté de limiter les modifications au projet. Sont également prévus un renforcement du contrôle et de l'approbation pour les changements éventuels demandés en cours de travaux. Ce rôle de surveillance est confié à un agent chargé d'apporter aide et assistance technique à la société maître d'ouvrage du projet : Italferr-Sis.

Un certain nombre de caractéristiques du secteur des transports doivent également être pris en considération dans l'analyse du cas TAV. Il s'agit de tout ce qui concerne les infrastructures et le service public. Ces deux aspects limitent les perspectives de rendements possibles. L'optique d'une recherche de concours privés au financement du projet réclame donc qu'une attention toute particulière soit portée à la constitution de la società di progetto (société gestionnaire du projet). L'équilibre entre la part privée et la part publique est fondamental non seulement pour le bilan global des concours financiers, mais aussi pour une véritable répartition des risques. L'efficacité de la solution contractuelle s'apprécie donc à la capacité de préserver les prérogatives distinctes du public et du privé, maintes fois affirmée par la réglementation communautaire, notamment pour le secteur des transports, avec la directive européenne 89/440.

Enfin, la formule de la concession devrait autoriser une solution alternative à l'augmentation de la part publique dans le capital de la société (sans compter les participations publiques au capital de nombreux acteurs en présence); de la même façon, la formule de la Conferenza dei Servizi (par le biais de l'acte intégratif), combiné à de bonnes pratiques d'évaluation de l'impact environnemental, pourrait contrebalancer des spécifications techniques trop exhaustives et définitives - peut-être impossibles - du projet en matière contractuelle.

Le projet TAV fut lancé - avec les premiers actes constitutifs - en 1991; les premiers trains à grande vitesse devraient pouvoir circuler - entre Florence et Naples - d’ici l'an 2000. L'investissement total est aujourd' hui (1995) évalué à environ 33 000 milliards de lires; pour la partie d'infrastructure du projet une opération de financement du projet devrait apporter un concours privé d environ 15 000 milliards, ramenant les dépenses à la charge de l'Etat à 40 %. Celui ci devrait toutefois assurer la couverture des intérêts sur le capital de prêt pour la période de construction et de mise en service.

Le programme de dépenses pour l'Alta Velocità (AV) représente au moins 45% des investissements dans le secteur des transports ferroviaires jusqu'à l'an 2000; pendant la même période (1994-2000), le Ferrovie dello Stato (société nationale des chemins de fer italienne, FS) devra réaliser un investissement d’environ 70 000 milliards. A l'occasion du projet italien du TAV, une série de questions traditionnelles sur les choix d’investissement publics dans des grands travaux se sont posées. La nécessité de ces investissements se justifie naturellement, à la fois par le retard d'infrastructures, par l'espoir des entreprises d'améliorer leur compétitivité sur des marchés internationaux, par la crise de l'emploi et l'importance du chômage. Mais la légitimité du financement du projet repose aussi sur les choix qui sont opérés en matière de politique tarifaire et sur sa contribution au rééquilibrage territorial.

Dans une telle optique, nous avons examiné les principaux aspects techniques, financiers et contractuels du projet. Nous en rendons compte ci-dessous, d'abord par une analyse du cas italien puis par une synthèse critique relative à quelques questions.