CONCLUSIONS

Deux grands éléments de conclusion se dégagent de cette étude de cas. Le premier est que la coopération franco-britannique s'est révélée, jusqu'ici, efficace pour traiter du montage, des études et de la réalisation du second pont sur la Severn. Les différences d'approches et de méthodes de chacun des deux partenaires, de même que leurs compétences respectives ont plutôt bénéficié au projet. Celui-ci a profité à la fois des compétences plus directement gestionnaires du Major britannique et des compétences plus directement techniques du Major français. L'ancienneté relative du partenariat John Laing/GTM n'est sans doute pas totalement étrangère à l'efficacité de cette coopération, l'hypothèse étant que celle-ci appelle nécessairement un apprentissage organisationnel.

Le second élément est que l'opération révèle, en effet, et dans le même temps, le très fort contraste de modèles d'organisation prévalant chez les deux partenaires. Si, à la suite de Veltz et Zarifian (1992) nous définissons le modèle d'organisation comme "un ensemble de schémas-types de représentation où s'imbriquent étroitement les formes sociales et les formes technico-économiques", il ressort que ces schémas-types divergent fortement du côté français et du côté britannique. Plutôt que d'opposer terme à terme chacune de ces différences, il paraît plus riche de dégager la manière dont elles s'articulent dans des configurations d'ensemble dont chacune a sa cohérence.

Aussi dirons nous que le "modèle français", pour dire vite, se distingue, face au risque, par une tendance à l'internalisation des activités et par une approche plutôt rationalisatrice et productiviste qui fait bon ménage avec une coordination des activités par la hiérarchie et une recherche de l'efficience focalisée à la fois sur la productivité du travail et l'abaissement des coûts de production. Il met en avant l'influence des ingénieurs comme groupe social de base.

Le modèle d'organisation" britannique" se caractérise quant à lui par une tendance à transférer le risque (au moyen des contrats notamment) en externalisant les activités et en les soumettant à un contrôle fondé sur le respect de standards; Cette approche du risque fait bon ménage avec la recherche d'une coordination des activités par le marché et avec une conception de l'efficience localisée dans l'abaissement des coûts de transaction. Il met en avant l'influence des experts professionnels comme groupe social de base. Au niveau de l'organisation du travail sur chantier, il s'accompagne d'une forte spécialisation par métiers sur laquelle se calque la définition des qualifications et des salaires. Les syndicats de métier apparaissent, sur ce chantier tout au moins, comme des interlocuteurs importants dans la négociation.