VERS DE NOUVELLES FORMES D'INTÉGRATION DES FONCTIONS


Les secteurs du marché incubateurs d'innovation
La maintenance immobilière
La Concessione di Costruzione e Gestione des Travaux d'Infrastructure


Les secteurs du marché incubateurs d'innovation

D'après le profil des différentes tendances évolutives qui se manifestent dans le système contractuel italien, les principaux ferments d’innovation se présentent surtout dans deux secteurs du marché de la construction. Il s'agit de la maintenance immobilière, dans le secteur privé et des travaux d'infrastructure. L'analyse du marché de la construction proposée dans le premier chapitre avait montré comment, de nos jours, ces deux secteurs apportent une contribution significative à la formation de la valeur totale de la production, et surtout, comment dans l'avenir, leur participation sera encore plus marquée. Les innovations qui sont en train de mûrir sont destinées à influencer le comportement d'une part importante du marché de la construction.

La production des travaux rentrant dans ces deux secteurs tend à se réorganiser selon des modèles de réalisation qui impliquent de nouveaux systèmes de relations entre les acteurs. Dans la maintenance immobilière, en particulier, le rédacteur du projet et l'entreprise de construction perdent l'hégémonie de leur rôle traditionnel au profit de nouveaux protagonistes, dont les producteurs et distributeurs de matériaux et composants, autour desquels se réorganise l'offre et se réarticulent les interactions entre acteurs. Pour ce qui est des infrastructures, celles qui sont susceptibles d'être en partie financées par la gestion du service rendu sont d'un intérêt tout particulier. De fait, la concessione di costruzione e gestione, sur laquelle se base leur réalisation, postule l'attribution d'un rôle à des acteurs traditionnellement absents ou passifs, telles les institutions de crédit et les agences de gestion des services publics.

Pour le maître d'ouvrage, les travaux de ces secteurs sont caractérisés par un haut niveau d'incertitude, dû au coût de leur production et à la qualité des prestations successivement rendues. Il ne s'agit en effet pas habituellement d'opérations de type routinier pour lesquelles l'expérience consente à formuler des prévisions suffisamment réalistes. De plus dans la structure des coûts totaux de ces travaux, les coûts de transaction sont importants et suffisent à limiter l'efficacité des échanges. Pour ce type de travaux, la réduction de l'incertitude et la minimalisation des coûts de transaction stimulent la constitution de formes organisatives de production qui facilitent la circulation des informations entre les acteurs du système contractuel, et rendent possibles des transactions autrement peu commodes. Les nouvelles formes organisatives sont par ailleurs caractérisées par la capacité à fournir une offre globale de biens et de services.


La maintenance immobilière

Dans les secteur de l'immobilier résidentiel, le principal acteur de l'offre est de longue tradition l'entreprise de construction. L'entreprise a été une sorte de metteur en scène du marché. Pour ce qui est du marché des matériaux de construction, c'est l'entreprise qui détermine la quantité et la qualité de leur production en en faisant la requête au distributeur ou même directement au producteur. Dans le marché immobilier, qui plus est, le résultat de l'activité de l'entreprise constitue une réponse à la demande de logement exprimée individuellement par les familles. Toutefois l'apparition de la nouvelle demande de requalification immobilière provoque des modifications significatives dans la filière de la construction, de la production des matériaux et des composants à leur utilisation. Témoin des modifications en cours : la diminution du nombre d'entreprises qui opèrent dans le secteur des nouveaux édifices et des travaux de génie civil par rapport à l'augmentation des entreprises qui opèrent dans le secteur de mise en place d'installations.

Les protagonistes du marché de la rénovation et de la maintenance sont nombreux et de types divers. Bien évidemment, l'entreprise de construction conserve un rôle important dans les interventions de restructuration immobilière à grande échelle, mais dans le marché de la maintenance son type d'offre s'est pas compétitif. La demande des particuliers tend à se tourner directement vers le rédacteur du projet, l'artisan, l'installateur, le vendeur ou le producteur. Ceci sans qu'aucun ordre de priorité n'ait été établi au préalable. Dans le marché de la maintenance, le premier problème est constitué par l'entité relativement élevée des coûts frictionnels par rapport à la valeur de l'intervention, en raison de la multiplicité et de la variété des prestations. Pourtant, les familles, en dépit de leur inexpérience et de leur manque d'information, cherchent à les éviter en se substituant à l'entreprise.

Du côté de l'offre, de nouvelles formes d'organisation sont en train de s'esquisser et cherchent à s'affirmer sur le marché, fournissant aux familles un forfait intégré de biens et services. La définition de ces forfaits intégrés est consignée, de façon à limiter les coûts de transaction. Le succès de cette forme repose dans une large mesure sur la circulation de l'information à l'intérieur de la filière (contrôlée de façon à rationaliser le flux des biens et des services du producteur au consommateur), et sur les stratégies de communication indispensables à l'affirmation de sa propre marque.

Le schéma de la figure 13 identifie les principaux acteurs et les relations qui s'instaurent entre eux. Il s'agit d'une configuration de base, par rapport aux innombrables variantes qu'offre la réalité. Par rapport aux modèles présentés au dessus, la coalition du projet et de la construction est posée dans la partie supérieure du graphe : elle revêt un caractère permanent, ses biens et services sont offerts à un consommateur indifférencié (la famille). Cette organisation des relations productives peut être rapportée au modèle de la quasi-firm, caractérisé par un système hiérarchisé et permanent de relations entre l'acteur principal (le producteur ou le distributeur) et tous les autres. Dans la chaîne productive de la maintenance immobilière, il y a des cas où l'entreprise productrice de matériaux assume le contrôle d'autres fonctions complémentaires, comme le projet, la vente et l'installation. Dans d'autres cas par contre, c'est le distributeur des matériaux et composantes qui conquiert une position dominante, ne se limitant plus à la simple organisation et programmation, mais offrant des services de montage et d'expertise technique.


La Concessione di Costruzione e Gestione des Travaux d'Infrastructure

Deux phénomènes sont en train de souligner l'importance que, au sein du marché de la construction, l'on tend à attribuer à la réalisation de travaux publics par le biais de la concessione di costruzione e gestione : l'inefficacité de la dépense et la rareté des ressources financières de l'Etat. En effet, en concédant à un acteur privé la construction et la gestion d'un ouvrage public, il apparaît évident que non seulement on peut produire et gérer les ouvrages publics de façon efficace, mais qui plus est on peut le faire avec l'appel d'offres de fonds privés. Le processus de réalisation basé sur le contrat de concessione di costruzione e gestione a la particularité d'amplifier le résultat du processus productif : celui-ci n'est plus seulement représenté par le bien produit, mais aussi par les services qu'il rend. De même, l'espace temporaire considéré se dilate : aux temps nécéssaires à la production de l'ouvrage s'ajoute celui, beaucoup plus long, nécessaire à son remboursement par les produits de la gestion. Le contrat de concession postule donc de nouvelles fonctions essentielles, comme le montage financier et la gestion du service. En conséquence la filière des acteurs qui y participent s'étend aux banques et aux agences spécialisées dans la gestion des services publics. Ces nouveaux protagonistes ont en commun leur appartenance à de grands groupes industriels et financiers, ou leur participation à un système complexe et polyfonctionnel d’acteurs pouvant développer une offre intégrée globale.

L'Italie se vante d'une longue tradition dans la réalisation de travaux publics par le biais de contrats de concession. Le système des autoroutes en fournit l'exemple principal. Mais le contrat de concession, la plupart du temps, a été l'appanage de sociétés appartenant au système des participations d'Etat et a normalement envisagé des formes de financement explicitement publiques (prêts à fonds perdus, facilitations d'impôts, replanification du retard de gestion, etc.) ou implicitement publiques (prêts de garantie sur le risque, etc.) afin de le ramener à des modèles traditionnels de réalisation des travaux. De nombreux facteurs, dont l'incertitude des temps et des résulats des procédures administratives, l'aversion du risque du système de crédit, mais aussi le retard de l'instrumentation financière italienne, ont concouru jusqu'à ce jour à rendre véritablement faible le nombre des travaux publics effectivement réalisés sur un modèle de "pure" concession. Pour ce qui est de la réforme des contrats, on s'attend à ce que de nouveaux outils juridiques et financiers (de type "financement du projet") soient introduits pour parvenir à la réalisation de travaux publics par le biais de cette forme de contrat.

Notons que le projet du Treno Altà Velocita (TAV) est en cours selon ce modèle de concession, qui prévoit un total de plus de 33 000 milliards de lire. C'est justement pour la réalisation de ce projet qu'un système d'intervention original a été mis au point, original du point de vue de la nature des acteurs, de leurs rôles et de leur interdépendance. La figure 14 met en évidence les rôles remplis par le système des acteurs et les relations contractuelles et fonctionnelles qui subsistent entre eux. Le gérant du service n'est pas identifié : cette fonction pourra soit être réalisée directement par la société concessionnaire (la société TAV), soit être totalement ou partiellement confiée à d'autres acteurs. Le cœur du système de réalisation est représenté par le groupe de construction, dont les protagonistes sont la société d'ingénieurs experts du concessionnaire, l'entreprise générale constituée en consortium d'entreprises affiliées et de leur société d'ingénieurs, et des entreprises sous-traitantes.