Une
classification basée sur la
nature du promoteur
Classification en fonction du rapport
entre conception et réalisation
Une classification basée sur la
nature du promoteur
Dans le secteur public, c'est la loi qui détermine les
systèmes de délégation des travaux et en fixe les paramètres. Devant la
nécessité d'observer des principes généraux de transparence et d'efficacité
de la dépense publique, les caractéristiques subjectives de chaque maître
d'ouvrage jouent sans aucun doute un rôle subalterne. Nous avons d'ailleurs vu
que le secteur public italien figure soit comme maître d'ouvrage habituel soit
comme maître d'ouvrage occasionnel, et que les organismes des deux catégories
possèdent des capacités administratives et techniques fortement
différenciées.
Dans le secteur privé, même si la loi qui régit la
délégation des travaux publics exerce une influence certaine en stimulant des
comportements d'émulation, le choix du modèle à adopter pour la réalisation
d'un ouvrage dépend principalement de la nature du promoteur. Sous l'angle
considéré ici, les caractéristiques du promoteur les plus significatives sont
les suivantes:
- la structure de son actionnariat, à savoir son appartenance ou non à un
groupe actif dans plusieurs secteurs de l'économie, ou s'il possède ou non
des liens sociétaires avec des entreprises d'autres acteurs opérant dans
le secteur de la construction ;
- le niveau de continuité avec lequel il opère dans l'activité de
promotion immobilière, distinguant surtout le cas où l'investissement
immobilier représente une tâche occasionnelle où il s'agit du rôle
central et continu de l'activité de l'entreprise.
De telles caractéristique dépendent des fonctions que le
promoteur décide d'appliquer directement et de celles qui seront déléguées
à d'autres acteurs, et par conséquent de la nature des rapports contractuels
et des responsabilités qui lieront le promoteur aux autres acteurs. En fonction
de ces caractéristiques, l'analyse des principales catégories d'ouvrages
réalisés dans le secteur privé permet d'identifier trois principales
typologies de promoteurs :
- le promoteur continu structuré ;
- le promoteur continu non structuré ;
- le promoteur occasionnel.
Afin de décrire, en fonction de cette typologie, les
principaux modèles d'intervention, le processus productif s’articule autour
des fonctions suivantes : programme, financement, projet préliminaire,
projet définitif, projet exécutif, direction des travaux et contrôle de la
qualité, exécution de la construction, éventuelle délégation interne des
travaux.
La principale caractéristique du modèle adopté par le
promoteur continu structuré réside dans le lien étroit entre le promoteur
lui-même et l'entreprise qui réalisera les travaux. Un tel rapport peut
provenir de l'unité de la propriété du capital, de réseaux, d'accords de
coopération ou autres. La conséquence de ce rapport de confiance est le peu de
poids, à l'intérieur du processus de réalisation, des activités liées au
projet des travaux, quoi que celles-ci soient encore parfois confiées à des
professionnels externes. Le projet exécutif est normalement délégué à
l'entreprise chargée des travaux. Le promoteur, lié à l'entreprise
réalisatrice, n'a pas besoin d'une structure technique interne pour le
contrôle et la coordination des projets, dans la mesure où il ne doit
effectuer ni appel d'offres ni projet exécutif ou contrôle des travaux. Il
porte donc en lui les seules fonctions de programmation et de financement.
En règle générale, le promoteur continu structuré (et le
type de processus de réalisation dont il s'occupe), est plus adapté aux
interventions complexes de grandes dimensions, que ce soit sur le plan
typologique ou fonctionnel. Dans cette forme de processus, on a donc affaire à
des programmes immobiliers à grande échelle, des implantations touristiques,
des pôles technologiques, des restructurations urbaines. Les exemples concrets
en la matière sont très nombreux. Ce modèle est aussi celui d’interventions
de construction moins importantes.
Dans ce cas du promoteur continu non structuré, le
promoteur est aussi "continu" et connaît la nécessité de se munir
durablement d'un organisme technique de confiance afin de faire face à la
coordination du projet et à la sélection des entreprises de construction. Dans
la mesure où son objectif est de commander et d'exécuter la réalisation des
travaux dans les meilleures conditions de marché possibles, il lui est
précieux que le processus de réalisation comporte le nombre le plus élevé de
fonctions sous son contrôle direct. Dans cet esprit, le promoteur continu non
structuré a tendance à suivre une des lignes de comportement suivantes:
- la constitution interne d'un service technique compétent ;
- la création d'un lien sociétaire avec une société d'ingénieurs ;
- l'acquisition, par contrat, des services d'une société d'ingénieurs.
Dans le premier et dans le deuxième cas, le promoteur et
l'organisme technique tendent à se souder et à ne plus former qu'un seul
acteur. Dans le troisième cas le promoteur décide de suivre une ligne de
comportement analogue à celle du promoteur occasionnel analysé ci-dessous.
Le promoteur continu non structuré intervient en général
sur une échelle plus limitée que le promoteur structuré. La tendance veut que
plus l'ouvrage devient complexe du point de vue de son utilisation future, de
son contenu technologique et du nombre des acteurs impliqués, plus fort est le
niveau de structuration nécessaire au promoteur pour réaliser l'intervention
avec succès. Nous pouvons rattacher à ce modèle de nombreux acteurs qui
opèrent dans les secteurs de l'immobilier résidentiel et de la grande
distribution, et parmi eux figurent les coopératives d'habitation et les
sociétés de grande distribution commerciale. En principe, la nécessité
d'intervenir régulièrement dans le secteur immobilier et de développer un
savoir faire au niveau du projet spécifique au secteur de l'intervention, mène
ces acteurs à se doter d'une structure autonome interne de coordination des
projets et de direction des travaux, capable d'assumer la fonction stratégique
de contrôle des coûts, de la qualité et des délais qui est habituellement
confiée à des entreprises externes.
En règle générale, le promoteur occasionnel ne dispose ni
d'une entreprise de confiance, ni d'un service technique en mesure d'exécuter
la coordination du processus de réalisation. Il doit donc charger un
professionnel (architecte ou ingénieur) ou une société de génie de s'occuper
du projet et des processus d'appels d'offres. Le rapport contractuel qui lie les
deux acteurs a donc une grande importance. Si le contrat prévoit la livraison
des esquisses de projets et l'assistance technique qui s'en suit, la société
d'ingénierie n'est chargée que des responsabilités professionnelles incombant
à la sphère du projet et ne répond en rien des contrôles des coûts et de la
qualité.
Si par contre le rapport entre le promoteur et la société
d'ingénieurs a pour finalité d'atteindre le résultat constitué par l'ouvrage
exécuté, la société d'ingénieurs assume l'entière responsabilité du
processus. Dans ce cas, le contrat entre promoteur et société d'ingénieurs
devient le pivot de tout le processus de réalisation, comprenant le cadre des
responsabilités et des possibilités de compensations entre les acteurs, les
procédures pour la formulation et l'évaluation des différentes offres, les
mécanismes de contrôle, les assurances et les garanties ainsi que les les
objectifs de coûts, délais et qualité auxquels doit répondre l'ouvrage.
Le promoteur occasionnel peut être identifié soit
chez un opérateur économique qui a l'intention de réaliser une intervention
immobilière unique pour ses propres besoins, soit chez une société
financière ou chez un opérateur du secteur qui voient dans un programme
immobilier une opportunité d'investissement. Parmi les interventions
réalisées par ce type de promoteur on peut compter les édifices de direction
des institutions de crédit ou les parcs de loisirs des localités touristiques.
Dernier élément discriminatoire dans le processus de la
réalisation : les sociétés d'ingénieurs ont la possibilité d'impliquer
une multitude d'entreprises par une division du travail (par exemple avec des
délégations pour les structures, les finitions, les installations, etc.) ou de
s'en remettre intégralement à une entreprise générale de construction. Dans
ce second cas, la plupart des devoirs et responsabilités de la société
d'ingénieurs sont transmis à l'entreprise de construction.
Classification en fonction du rapport
entre conception et réalisation
Même si les modèles jusqu'ici employés suivent une clef de
lecture sans aucun doute utile à l'explication des comportements des
promoteurs, il n'en reste pas moins que la fragmentation structurelle du
processus de réalisation ainsi que la singularité substantielle de chaque
produit immobilier rendent extrêmement difficile le choix d'un système de
réalisation du projet efficace à la fois quant aux coûts, à la qualité et
à la durée. "The organizational structure adopted by the client for
the management of the design and construction of a building project",
peut de fait prendre une variété presque illimitée de configurations.
L'illustration de telles options sous forme de modèles
descriptifs des principaux acteurs et de leur relations les plus significatives,
peut toutefois aider le maître d'ouvrage à effectuer ses choix en toute
clairvoyance.
Tout en offrant une représentation de la réalité fort
simplifiée, ces modèles fournissent un tableau synthétique des alternatives
possibles, et par conséquent permettent de mieux soupeser les avantages et les
inconvénients de chacune d'entre elles et de garder à l'esprit les niveaux de
liberté et les liens que chaque décision entraîne pour les décisions
suivantes. La littérature internationale compte de nombreuses tentatives de
retracer, en quelques modèles fondamentaux de référence, une casuistique
empirique presque illimitée. Parmi ces modèles, notons pour son intérêt
particulier, l'appoche qui, reconnaissant dans l'interaction entre projet et
construction le point nodal du processus de réalisation, assume une modalité
selon laquelle ce point nodal peut être adopté comme critère fondamental de
la classification. Cette approche identifie trois modèles de base, dont chacun
peut être articulé et spécifié selon de nombreuses variantes. Voici ces
trois modèles:
- le système séparé et coopératif ;
- le système intégré ;
- le système orienté vers la gestion.
Le système séparé et coopératif décrit la
modalité la plus traditionnelle de réalisation d'un ouvrage. Il est basé sur
le fait que le client instaure des rapports contractuels distincts avec le
rédacteur du projet et l'entreprise. Normalement le rédacteur du projet est
choisi sur une base de confiance, alors que l'entreprise exécutrice est sélectionnée
selon des négociations privées ou par un appel d'offres. La
séparation traditionnelle entre projet et construction peut être atténuée
par le choix d'une entreprise dans la phase initiale du projet lui permettant de
s'impliquer dans la définition des choix technologiques, et par conséquent
d'avoir son mot à dire sur l'estimation des coûts.
Dans le système intégré, il n'y a pas de
séparation entre le groupe de projet et le groupe de construction. La
responsabilité du projet et de la construction reviennent à un seul acteur,
habituellement l'entreprise de construction qui est l'unique interlocuteur du
maître d'ouvrage. La particularité du système orienté vers la gestion
est par contre tourné vers la gestion globale du processus d'élaboration du
projet et de construction de l'ouvrage. Dans ce modèle, le protagoniste
principal est le construction manager (ou management contractor),
qui s'occupe de l'intégration des fonctions liées au projet et à la
construction, et qui impliquent des acteurs différents. Cet acteur est choisi
par le maître d'ouvrage lors de négociations privées, alors que les
entreprises exécutrices - en principe sélectionnées par des appels d'offres -
peuvent être liées par un contrat aussi bien à l’entreprise de direction
des travaux (management contracting) qu'au maître d'ouvrage (construction
management).
Les principales figures actives de ces systèmes, les
fonctions qui leur incombent et le système de relations contractuelles et
fonctionnelles qui les lient, sont illustrées dans les figures successives. La
situation italienne présente des particularités spécifiques, dont l'absence
de la figure professionnelle du quantity surveyor. Pour chaque système,
un premier graphe souligne la répartition des fonctions du processus de
réalisation adoptée par chaque acteur : la flèche indique la chaîne des
valeurs, c’est-à-dire la contribution ajoutée de chaque acteur à la
formation de la valeur globale de l'ouvrage. Un deuxième graphe schématise le
système des relations qui s'établissent entre certains acteurs, en distinguant
les relations contractuelles des relations fonctionnelles.
Figure 7 - Système intégré: schéma des acteurs et des
relations
Dans les figures 6 et 7 est décrit le système séparé et
coopératif. C'est le modèle le plus traditionnel, utilisé encore aujourd'hui
aussi bien pour les travaux publics que pour les travaux privés, et
essentiellement par les promoteurs occasionnels. Les contrats pour l'exécution
sont habituellement stipulés a misura. Comme nous l'avons vu
précédemment, dans le secteur public, la délégation des travaux à
l'entreprise doit être une procédure de type compétitif (asta pubblica
ou licitazione privata). Dans le secteur privé, on peut aussi avoir
recours à des négociations privées.
La récente législation italienne sur les travaux publics
s'est inspirée du principe éthique de la contradiction entre conception et
réalisation, dans l'intention de créer entre elles une contradiction très
proche du conflit d'intérêt, sanctionnant ainsi l'absolue séparation entre
phase de projet et phase d'exécution. La répartition des tâches peut
répondre justement à la double exigence de transparence et d'efficacité. La
création de deux marchés et de deux milieux opérationnels, qui doivent rester
absolument imperméables l'un à l'autre, est une conséquence logique de cette
posture : la société d'ingénieurs ne peut avoir des activités de
production de biens et participer, même indirectement (par le biais de
sociétés affiliées ou contrôlées), à la phase d’exécution.
D'un point de vue normatif, ce modèle a conduit à la
reconnaissance d'une typologie unique de contrat, celui de la seule exécution,
avec l'élimination des deux autres typologies reconnues par les directives
communautaires (l'appel du projet et de l'exécution, et l'appel de
l'exécutif). Ce choix est pourtant l'objet de nombreuses critiques. On objecte
que la nette séparation entre le moment du projet et la phase exécutive,
réalisable pour des ouvrages mineurs, n'est pas convaincante dès qu'il s'agit
de travaux majeurs où dimension physique et complexité technologique imposent
de dépasser la distinction traditionnelle des rôles entre un administrateur
qui dirige pas après pas le processus de réalisation, et une multiplicité d’acteurs
privés appelés à remplir des tâches opératoires dans leurs propres sphères
de spécialisation. Dans ces cas, il convient de redéfinir les rapports et
d'identifier les tâches dont l'administration ne peut pas s'occuper parce
qu'elles revêtent une importance stratégique. Celles-ci sont identifiables
jusqu'à la définition a priori des exigences et des objectifs et au contrôle
de la justesse du processus de réalisation. Par contre toutes les tâches
proprement opérationnelles - des opérations instrumentales de début des
travaux, dont le projet, jusqu'à l'exécution - doivent être confiées à un
acteur externe et pouvoir être remplies avec le maximum de liberté dans
l'organisation.
L'opportunité prévue par la norme communautaire de
réintroduire les deux types d’appels intégrés se justifie donc pour
plusieurs raisons. En choisissant de recourir à ces typologies de contrat,
l'administration peut se limiter à mettre en concours un projet préliminaire
qui identifie avec une marge approximative suffisante les coûts et les temps de
réalisation. Les entreprises sont appelées à présenter une offre intégrée
pour le projet exécutif et l'exécution. En conséquence, l'administration
dialogue avec un acteur unique responsable du processus tout entier, sans que
l'éventuelle transgression des coûts et des temps contractuels ne puisse être
accusé d’être une carence originaire du projet.
Les figures 8 et 9 illustrent le système intégré. L'acteur
responsable du projet et de la construction est unique et est constitué par une
entreprise. Le choix de l'entreprise se fait généralement par le biais de
négociations compétitives, habituellement articulées sur deux phases, et plus
rarement sur une seule. Normalement le client se munit d'un expert avec des
fonctions de contrôle. Ce système utilise le plus souvent des contrats
stipulés sur mesure pour les travaux immobiliers.
Dans le secteur public, une procédure d'exécution
comparable à ce système est l'appalto-concorso, où le maître
d'ouvrage tend à couvrir, avec l'aide du rédacteur du projet, la fonction de
projet préliminaire. Une de ses autres applications dans le passé était
représentée par la concessione di costruzione seulement.
L'efficacité potentielle de ce système a cependant été
réduite par le recours contextuel au contrat sur mesure. La figure 10
schématise le processus de réalisation dans le système orienté vers la
gestion et les figures 11 et 12 les deux variantes du management contracting
et du construction management. Dans le secteur privé ce système a la
préférence des promoteurs appelés continus non structurés, et parfois
aussi par les promoteurs structurés. Ce système est à rattacher à la
réalisation d'ouvrages publics par le biais de la concession à des sociétés
actionnaires de l'État. Cette forme de contrat n'est plus, actuellement, permise
par la loi; mais dans le passé, alors que l'on y avait largement recours, des
phénomènes de sélection adverse, de hasard moral, et des comportements de
collusion en faisaient presque partie intégrante.
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