INTRODUCTION

Par l'expression de système contractuel, nous entendons l'ensemble des acteurs participant à la réalisation d'une construction et le système des relations fonctionnelle et contractuelle qui s'instaurent entre ces derniers. Ce système explicite les "règles du jeu" suivant lesquelles les acteurs de l'offre (les entreprises) œuvrent afin de réaliser des produits (les édifices et infrastructures) destinés à satisfaire les besoins des clients et usagers (maîtres d'ouvrage et utilisateurs). Le système contractuel désigne donc les rôles des divers acteurs, définissant leurs devoirs, leurs responsabilités et obligations réciproques. En Italie, comme dans les autres pays européens, le système contractuel possède un certain nombre de particularités nationales profondément enracinées dans l'histoire économique et culturelle. Cependant cette recherche sur les joint ventures internationales dans le secteur de la construction en Europe - étudiant les rapports de coopération établis à l'occasion de la réalisation de grands travaux et présentant une coalition complexe de acteurs porteurs de cultures nationales différentes - exige une perspective dynamique des changements en cours. Il s'agit d'une approche de toute actualité. Le système contractuel italien, sous l'impulsion notamment des directives européennes, vit en effet une phase délicate de transition, d'un système de production de type protectionniste et inefficace, à un système compétitif et - selon les attentes - efficace. La transition s'annonce difficile et pleine de contradictions. Les peurs éveillées par les incertitudes qui accompagnent tout changement induisent, dans le système des acteurs, des résistances d'autant plus fortes que les perspectives de changement semblent être radicales et explosives. Cette contribution se propose de restituer un cadre synthétique et interprétatif de la phase en cours. La première section expose les caractéristiques essentielles du marché de la construction italien. Celui-ci montre que les difficultés rencontrées par le secteur de la construction depuis quelques années sont en partie imputables aux inefficacités structurelles du système contractuel. Les tendances spontanées, complexes et segmentées, manifestent l'existence de processus transformateurs de nature structurelle, qui ne manqueront pas d’exercer une influence sensible sur la future évolution du système contractuel national. La seconde section traite du système des acteurs. L'Etat se distingue parmi les acteurs de la demande, puisqu'il joue un double rôle. A la régulation du système contractuel, tournée vers l'intérêt de l'économie nationale entière, l'Etat ajoute une fonction de promotion directe des travaux. L'importance de ses investissements - le secteur public représentant dans son ensemble un gros tiers de la valeur de la production totale - confère à l'Etat le rôle de client principal. Pour ce qui est des acteurs de l'offre, la particularité du cas italien est qu’ils sont généralement représentés par des constructeurs purs, appartenant à trois grandes catégories : l'entreprise privée, coopérative, ou publique. L’autre trait spécifique est la pulvérisation de l'offre en unités productives de petite et moyenne dimensions, avec une tendance à la spécialisation. La fonction technique, quant à elle, revient à différentes figures professionnelles dont l'activité est soumise au contrôle des Ordini (Ordres) et des Collegi (Collèges). Les plus qualifiées d'entre elles étant celle de l'architecte et de l’ingénieur. La nécessité de redéfinir les compétences et le rôle des figures professionnelles du système contractuel est sans aucun doute un des points les plus cruciaux de la phase actuelle de transition. La troisième et la quatrième sections traitent du système des relations qui s'instaurent entre les acteurs du système contractuel lors des phases de promotion, de construction et de gestion de l'ouvrage. La troisième section est consacrée à l'analyse des formes d'attribution des travaux, en particulier au concours et à la concession. Il est important de signaler, sur ce point, que, l'arrivée de directives communautaires sur la libéralisation des marchés, mais aussi la nécessité de rendre le système d'attribution des travaux publics plus transparent et efficace après de nombreuses enquêtes judiciaires dévoilant une pratique diffuse de la corruption, ont fait que dans les dernières années, le cadre législatif a été profondément modifié. Toutefois, la réforme du cadre législatif ne s'est pas encore stabilisée. De nombreuses questions restent en suspens, questions face auxquelles les catégories d'entreprises et de professions manifestent des positions contrastées et intéressées. La quatrième section expose par contre les principaux modèles de conception et d'exécution des constructions par rapport à deux critères de classification. Le premier privilégie la particularité de l'expérience italienne et se fonde sur la nature particulière du acteur promoteur. Une enquête spécifique a en effet mis en lumière la dépendance du système contractuel par rapport à trois typologies principales de promoteur: le promoteur continu structuré, le promoteur continu non structuré et le promoteur occasionnel. L'autre critère, tiré de la littérature internationale, pose au premier plan la question de la modalité par laquelle on tente de résoudre le problème commun et fondamental de la fragmentation du processus de production, avec une référence particulière à la séparation traditionnelle entre conception et réalisation. La cinquième section tente d'identifier les tendances évolutives du système contractuel italien, partant de l'hypothèse que des segments du marché peuvent être considérés comme porteurs d'innovation. Il s'agit des segments où de nouvelles fonctions jouent un rôle stratégique alors que d'autres acteurs deviennent prépondérants et où, par conséquent, le système des relations fonctionnelles et contractuelles est redéfini. Dans ces segments, la tentative de résoudre la complexité et la fragmentation du processus de production aboutit à des solutions originales d'intégration des fonctions, dont le succès est facilité par le développement des technologies informatiques et télématiques. Parmi ces segments, notons surtout l'intérêt particulier, dans le secteur privé, de la maintenance immobilière, et dans le secteur public, de la construction et de la gestion des ouvrages d'intérêt public.