INTRODUCTION


Le but de cette contribution est de proposer à l'ensemble du Groupe Bagnolet une problématique pour l'étude des stratégies d'entreprises face aux grands projets européens. Il s'appuie aussi très largement sur des notes de lecture dont j'ai pensé qu'il était important de les diffuser auprès des autres membres de l'équipe (en particulier en ce qui concerne les publications françaises, bien souvent inconnues ailleurs parce que rarement traduites).

Concernant l'étude thématique des stratégies d'entreprises, le développement des joint-ventures internationales nous conduit à inclure le double mouvement de rivalité et de coopération qui s'opère dans les relations entre les firmes. Cela signifie de ne pas nous contenter d'un survey des révisions opérées dans le concept de stratégie au début des années 1980 – et pour lesquelles force est de reconnaître l'influence déterminante de Porter. L'analyse doit aussi s'enrichir des apports de l'économie industrielle internationale relatifs à la "mondialisation du capital" et à la redéfinition du concept d'entreprise multinationale (mais aussi de groupe industriel et financier), s'ils s'avèrent pertinents pour le secteur de la construction ou le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) (selon les différentes terminologies nationales).

Enfin, cette contribution propose d'intégrer aussi les apports de l'étude "institutionnelle", tels qu'ils peuvent être illustrés à travers les travaux du sociologue Fligstein (1990). En mettant l'accent sur le rôle des institutions (en particulier l'action de l'État et de la réglementation relative à la concurrence) et leur influence sur l'orientation du développement des grands groupes, Fligstein évoque l'appel déjà lancé par Coase et visant à mettre en relation l'interaction entre droit et concurrence pour comprendre à la fois ce que sont les firmes et comment elles orientent leur activité. Il dégage une voie qu'économistes et sociologues ont commencé à explorer: montrer comment l'économie et le comportement des firmes sont "imbriqués" (embedded) dans le champ social et institutionnel. Une telle voie ne peut être ignorée dans le cadre de la réalisation du marché unique européen: la conception de la concurrence qui se dessine à Bruxelles, mais aussi celle qui prévaut dans les différents pays contraignent les entreprises à tenir compte, sur ces grands projets en Europe, d'autres règles du jeu que celles héritées de leurs systèmes nationaux.

C'est donc en partant de ces trois grands axes : l'analyse concurrentielle ou la révision de l'approche des stratégies d'entreprise, la mondialisation du capital et le développement des joint ventures ; l'analyse "institutionnelle" appliquée à l'étude de la firme, que sont définies les propositions pour analyser les stratégies d'entreprise sur les grands projets.