PERFORMANCE DU CHANTIER, LOGISTIQUE, ENCADREMENT


Synthèse et prospectives

L'entreprise générale
Entreprise de corps d'état sans ARTT
Entreprise de corps d'état avec ARTT
Performance et conduite de projet
En guise de conclusion …


L'entreprise générale

Depuis l'application de l'ARTT, les outils et la logique suivis par le service méthodes ont peu évolué. Bien qu'intégrant un grand nombre de facteurs qui ont une incidence sur les conditions de travail, la logique dépend de la saturation de la grue. Le temps de travail et les horaires de travail du personnel de production va directement dépendre de ce paramètre. Dans ces conditions, la variable d'ajustement est représentée par le personnel de production. La stratégie de recherche de performance favorise l'externalisation de certaines tâches, donc un renforcement de la sous-traitance, ce qui s'accompagne d'une spécialisation des ouvriers (ce qui rompt avec la culture de l'entreprise qui conservait une forte polyvalence en raison notamment de l'effectif peu important de l'entreprise). Simultanément à la démarche du service méthodes, on constate une forme de régulation sociale des modalités de la modulation. Les ouvriers indiquent très ouvertement leur attente: un temps de travail de sept heures constant tout au long de l'année. Les journées ARTT sont néanmoins acceptées en compensation d'un temps de travail plus élevé dans la mesure où elles ne sont pas imposées par l'entreprise.

Sur ce chantier, la charge de travail du conducteur provoquée par la gestion de deux chantiers a renforcé l'autonomie du chef de chantier sans qu'il soit possible d'analyser ce phénomène comme appartement à une forme de délégation partagée de tâches. Pour équilibrer le temps de travail de l'encadrement du chantier, l'entreprise met en œuvre une formation de certain de ses chefs d'équipes afin qu'il y ait toujours un responsable présent sur le chantier même en l'absence du chef de chantier. L'entreprise doit faire face fréquemment à des variations de sa charge de travail. Elle a alors recours à des emplois intérimaires pour compléter ses équipes ce qui modifie les règles des collectifs de travail ainsi que le management de l'encadrement.

Il existe des différences entre les estimations du coût du chantier réalisées par les études, les méthodes et la production. Il semblerait que les écarts constatés entre les études et les méthodes, correspondent à des références différentes des ratios et des temps unitaires utilisés. Certains temps unitaires sont uniques quelle que soit la composition des équipes. Or, la proportion d'intérimaires au sein d'une équipe, surtout quand celle-ci est supérieure à quinze pour cent, affecte le temps de réalisation d'une tâche et l'activité des chefs d'équipe ou des chefs de chantier.

Comment définir une performance représentative puisque les différents acteurs successifs n'ont pas les mêmes critères d'estimation et d'évaluation ? L'homogénéisation des démarches et procédures entre le service commercial, les études, les méthodes et la production, sans oublier les gestionnaires, ne pourraient elle pas représenter une source de performance pour l'entreprise générale tout en faisant évoluer les identités professionnelles ?


Entreprise de corps d'état sans ARTT

Les entreprises de corps d'état secondaires n'ont que très faiblement anticipé l'ARTT. Leurs responsables n'ont pas inscrit de démarche de réflexion préalable en raison de l'évolution des marchés qui leur donne une forte charge de travail. De plus, certaines instances de la région leur ont communiqué qu'il y aurait certainement pas de sanctions la première année dans le cas où elles ne signeraient pas d'accord. La crainte que l'ARTT représente un surcoût n'est pas contrebalancée par une démarche de réflexion sur leur organisation.

L'évolution passe le développement d'organisations flexibles qui s'adaptent aux caractéristiques des projets ainsi qu'aux variations des charges de travail, mais aussi plus indépendantes pour limiter la dépendance vis-à-vis des autres intervenants. Il n'est pas certain que l'ARTT représente une source particulière de structuration pour les entreprises de moins de vingt salariés. La réponse semble dépendre des intentions et de la personnalité du dirigeant.


Entreprise de corps d'état avec ARTT

Nous retiendrons de l'organisation des deux entreprises du chantier qui appliquent déjà un accord ARTT qu'un temps de travail de 4,5 jours semble réaliste aussi bien pour l'entreprise que pour le personnel. Pour la deuxième entreprise, dont l'organisation prévoit que les ouvriers rejoignent directement le chantier, cette mesure s'accompagne de l'apparition d'une nouvelle fonction pour assurer la logistique (embauche d'un livreur). Le cas de ces deux entreprises permet d'indiquer également qu'il est nécessaire que l'organisation soit pensée dans son ensemble avant la signature d'un accord, que les modalités doivent faire l'objet d'une concertation avec l'ensemble du personnel et non pas seulement avec les partenaires sociaux, enfin qu'un accord ne se limite pas à une signature mais nécessite une concertation permanente pour faire évoluer l'organisation du travail et les relations sociales internes.


Performance et conduite de projet

Pratiquement l'ensemble des participants au chantier considère que la performance d'un chantier dépend de trois principaux facteurs : une planification représentative des interventions, la qualité de la coordination pendant le projet, enfin une bonne entente entre les différentes entreprises pendant le chantier. Pour ce dernier élément cela peut prendre la forme d'une mise à disposition de la grue pour une partie des entreprises corps d'état (charpentier, menuiseries extérieures, plaquiste). En même temps, même si il existe des arrangements collectifs ponctuels, on s'aperçoit que les recherche de solutions sont classiques avec une approche de la performance qui emprunte plus aux stratégies individuelles qu'aux stratégies collectives.

Les ajustements sont pour la plupart du temps trouvés au moment du chantier. Mais il est utile de s'interroger si la performance d'un projet ne dépend pas également de l'engagement de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre. Avec la logistique des entreprises, celles qui désirent avoir une action favorable sur les conditions de travail de leur personnel sont pénalisées par le manque d'incitation qu'impulsent ces deux acteurs. Or une entreprise ne peut agir séparément des autres au sein d'un projet.

Au niveau du projet architectural, on constate que certains détails influencent la performance et les conditions de travail pendant le chantier. C'est ainsi que la largeur des baies conduit les ouvriers plaquistes à des manipulations dommageables pour leur santé, qui, de plus, peuvent être réalisées dans des conditions de sécurité qui les exposent à des risques accrus. Il est possible de citer également la hauteur des prises électriques qui influence directement les postures et les efforts des électriciens. Certaines entreprises se sont interrogées pour savoir ce que représentait concrètement une performance de chantier quand le partie-pris architectural fait suspendre une partie des balcons sur des colonnes, ce qui représente un coût important, au regard de l'absence d'équipement des placards. Leur raisonnement se fonde sur une préférence pour l'usage et le confort des locataires sur les aspects esthétiques des bâtiments.

Si les entreprises de corps d'état interpellent les acteurs institutionnels du projet, elles occultent fréquemment que l'anticipation de leur organisation est relativement faible et que souvent elles réagissent aux difficultés quand celles-ci apparaissent.

De ces différentes remarques, il émerge que l'évolution de la performance et des conditions de travail du chantier passe par une analyse plus détaillée des prestations de chacune des entreprises qui intègrent l'activité des opérateurs, les sources connues de variation, et une analyse des dysfonctionnements.

L'application de la loi Aubry risque d'amplifier certains phénomènes, sources d'incertitudes, avec notamment un probable développement des emplois précaires. Dans ces conditions, il est délicat d'envisager les conséquences précises; en particulier au quotidien comment cohabiteront des personnels avec des statuts différents?. Si le phénomène se développe autant que certaines entreprises veulent bien le laisser entendre, ce phénomène apparaîtrait comme contradictoire au degré d'exigence des organisations qui tendent à être plus fiables grâce au développement de la responsabilité des ouvriers. Ce phénomène ne nécessite-t-il pas une réflexion préalable sur les formes de la coordination et du management de ces équipes recomposées ainsi que sur l'aménagement des outils et des données de prévisions du chantier ?

La période de transition se caractérise par des déplacements importants de personnels qui s'accompagne d'un phénomène d'inflation des rémunérations (les entreprises désirent embaucher ou conserver leur main d'œuvre expérimentée). Quel sera l'impact de ce phénomène sur le coût et l'organisation de la production ? se prolongera-t-il après la date d'application de la loi Aubry ?


En guise de conclusion …

L'ensemble des entreprises considèrent l'ARTT comme la variation d'un des facteurs de leur environnement. De ce fait, son traitement est assimilé à celui d'un coût direct sans que leur organisation soit réinterrogée en profondeur. De même, la diversité des projets et la diversité des acteurs limitent cette réinterrogation. Même si les entreprises déclarent avoir des préférences pour travailler avec certaines plutôt que d'autres, les conditions des projets et de la législation ne permettent pas d'envisager de partenariats durables pour assurer des politiques concrètes de conduite de projet, de préparation du travail, d'amélioration des conditions de travail et de sécurité.