"35 HEURES C'EST L'HEURE"


Évaluation de la démarche et perspective

Évaluation
Performances économiques du chantier
Perspectives

Conclusion


Évaluation

Le scénario de l'ARTT mis en place par l'entreprise QUILLE en phase gros œuvre - temps de travail des équipes de gros œuvre de 7 h par jour, 4 équipes qui interviennent en horaires décalés pendant que 2 grutiers se partagent une journée de 12 h - constitue une organisation pertinente lorsqu'elle est adossée à un encadrement spécifique qui était en l'occurrence constitué par :

  • 2 chefs de chantier qui travaillent de 7 h à 15 h et de 11 h à 18 h, tout comme les grutiers.

  • 1 chef de chantier qui, travaille de 8 h à 17 h

  • 1 conducteur de travaux qui officiellement travaille de 9 h à 18 h mais qui en fait fait une journée plus importante.

On peut dire que l'opération expérimentale de DARNETAL valide la démarche réalisée sur la phase gros œuvre.

Sur le second œuvre, un même type d'organisation était prévu. Toutefois, il n'a pas fonctionné car les entreprises sous-traitantes intervenant sur le chantier n'ont pas concrètement appliqué la règle des 35 h, sauf l'électricien.

Cependant, la coactivité avec les entreprises sous-traitantes s'est gérée très facilement grâce à la souplesse offerte par les plages d'ouverture très larges du chantier.

En matière d'allotissement cette opération présente une caractéristique non négligeable dans la mesure où l'entreprise générale QUILLE s'est attribuée la pose des menuiseries extérieures et intérieures ainsi que les cloisons doublages. Se trouve ainsi formatée d'une manière implicite une très large séquence de travail qui permet à l'entreprise QUILLE d'intervenir d'une manière pérenne pour l'ARTT sur le chantier au-delà du lot gros œuvre.

En matière de préparation de chantier, l'entreprise QUILLE a procédé à la sélection de ses sous traitants en toute connaissance de cause avec une note explicitant la manière dont le chantier serait organisé. Mais la préparation de chantier a été surtout consacrée aux choix techniques de construction et s'est arrêtée au final sur un panachage de techniques permettant un enclenchement rationnel et logique des tâches en fonction des plannings d'équipes spécialisées, de la non-saturation de la grue et d'un approvisionnement rationnel du chantier.

Il a été fait recours à des techniques nouvelles : coffrage en aluminium pour dalles, application de chape liquide, etc… pour permettre de finaliser des choix cohérents avec l'organisation du travail.

En adossement à ces choix techniques, il a été procédé à des choix concernant :

  • l'adaptation de la sécurité au mode opératoire,

  • des phases d'organisation logistiques pertinentes qui constituaient un réel progrès organisationnel sur l'ensemble de la phase gros œuvre.

La préparation du travail était minutieusement faite la veille pour le lendemain, notamment pour s'assurer que les recouvrements d'informations se faisaient bien entre les différents chefs d'équipes et chefs de chantier. Parallèlement à cela, des explications directes avec les compagnons permettaient de valider des choix de mise en œuvre le plus souvent les moins pénibles à réaliser et cette transparence maintenait au sein de l'équipe "production" au sens large, une ambiance favorable à la mise en place de la réduction du temps de travail.

Ce sont ces éléments qui objectivent le succès de la phase gros œuvre.

Si la phase second œuvre s'est déroulée de manière moins formalisée en terme d'organisation du temps de travail à proprement parler, la préparation de chantier a été très minutieuse, de manière à respecter les délais avec le souci de vérifier au cours de cette préparation, la cohérence des plannings de mise à disposition du matériel d'approvisionnement et de sécurité (grue, échafaudage, etc.) de manière à organiser comme un service dû aux corps d'état, les approvisionnements et le stockage sur le site.

Cette approche minutieuse a séduit et surpris les intervenants de second œuvre qui sont prêts à poursuivre les expérimentations dans ce sens. Ils ont particulièrement apprécié l'ensemble des aménagements qui ont permis une meilleure productivité et des conditions de travail et de sécurité nettement supérieures à celles rencontrées habituellement : il y a là, les fondements de l'extension de l'ARTT aux corps d'état secondaires.

A ce stade de la synthèse de l'évaluation, force est de constater l'interactivité entre les choix du rythme journalier de travail, d'une part, et la pertinence des choix techniques et des services logistiques d'autre part.

Le 1er constitue une hypothèse qui engendre les seconds, ces derniers ayant également pour effet de rendre possible le 1er à savoir, la réduction du temps de travail, grâce à une meilleure productivité. Aussi est-il possible d'avancer que, ce sont moins les problèmes d'aménagement horaire qui semblent poser des difficultés quant à la vie sur les chantiers, qu'un problème de respect du aux compagnons par une organisation soignée. Les compagnons se sentent valorisés et respectés dans leur travail dès lors qu'un ensemble de moyens est mis à leur disposition de manière cohérente et simple afin de prendre en compte leurs préoccupations quotidiennes.

Il ne s'est pas posé de problème de pénibilité physique sur ce chantier. Les mesures qui ont été faites par le Docteur POIRIER le montrent. Par contre l'observation de la qualité relationnelle entre les différents intervenants permet de penser que des difficultés psychologiques et physiques trouvent naissance dans le manque de respect des compagnons bien davantage que dans la pénibilité du rythme de travail. Il s'agit là d'un enseignement majeur de cette REX.


Performances économiques du chantier

Il semblerait que la mise en place de l'ARTT sur ce chantier ait généré de l'ordre de 2 % de surcoût sur le montant total de travaux par rapport à une opération traditionnellement exécutée dans le cadre des horaires 39.heures. Il n'est pas possible au stade de l'analyse de développer davantage la performance économique du chantier, car elle est perturbée par l'évolution du coût des matériaux et de la main d'œuvre entre décembre 1999 et juillet 2000.


Perspectives

Tout en intégrant les acquis de cette REX, les perspectives d'amélioration sont possibles en approfondissant un certain nombre de points identifiés ci-après :

Le 1er de ces points concerne la formalisation des échanges de préparation du chantier concernant la gestion des approvisionnements et des commandes.

Le 2ème de ces points concerne l'évolution du métier de grutier qui assure un rôle très important qui, à bien des égards, pourrait se substituer à terme à celui du chef de chantier. Le grutier a en effet une vision globale du chantier et peut distribuer les approvisionnements au mieux et au plus près de la tâche en fonction des différents besoins et du rythme de travail des équipes de production. Une réflexion sur ce point pourrait permettre de générer des gains de temps productif sur les chantiers.

Le 3ème de ces points concerne bien évidemment l'extension de la démarche aux corps d'état secondaires à partir du fondement que constitue la mise à disposition des moyens logistiques appropriés à leurs besoins.


Conclusion

Il semble que l'aménagement de la réduction du temps de travail et l'organisation du chantier de l'opération de DARNETAL confirment que l'ensemble des progrès techniques, des progrès organisationnels et des progrès sociaux, est susceptible de générer une réorganisation du travail possible dans le cadre d'horaire réduit.

L'ensemble des observations réalisées pendant la phase gros œuvre et pendant la phase second œuvre de ce chantier, aboutissent d'une manière homogène à cette conclusion.

Les gisements de temps se situant dans la meilleure organisation de la production, dans des choix techniques pertinents, cohérents avec le temps de travail et dans le respect du travail des compagnons.